Vers plus de transparence ?

Sur le grill, la grande distribution a, pour la première fois, dévoilé ses marges nettes, en juin2012: 1,4% en moyenne, soit 70 centimes pour un chariot de 50?€. De quoi faire taire les mauvaises langues? Pas si simple. Les marges des distributeurs restent la pomme de discorde des négociations commerciales annuelles entre enseignes et industriels. Accusée de pressuriser ses fournisseurs pour grossir un peu plus ses marges, la grande distribution doit, aujourd’hui, faire preuve de transparence mais, aussi, de cohérence sur ses prix, si elle veut convaincre. Car passés les effets d’annonce des promotions de rentrée ou des baisses opportunistes sur le carburant, les consommateurs gardent en mémoire le goût amer des années Galland.Effet inflationnisteVotée en 1996, la loi Galland, qui interdit aux grandes surfaces de répercuter la totalité des ristournes et rémunérations des prestations commerciales qu’ils reçoivent de leurs fournisseurs dans les prix de vente aux consommateurs, a fonctionné à l’envers. “Elle était censée protéger les producteurs, elle a fait le bonheur des distributeurs”, déplore Jacques Cattiaux. Mais, surtout, le malheur des consommateurs. “La loi Galland, en fixant clairement le seuil de revente à perte, a permis aux producteurs de s’entendre pour offrir le même prix de gros à tous les distributeurs. Les négociations avec les fournisseurs se sont donc déplacées sur les marges arrières et les enseignes ont pu librement augmenter leurs prix de vente”, analyse Marie-Laure Allain, économiste au CNRS.Les prix de la grande distribution en France qui, jusqu’en 1996, restaient les plus bas d’Europe ont, de fait, flambé dans la zone euro. “Le système Galland a accru le niveau général des prix: les produits de marque ont augmenté de 2,5% entre2004 et2008”, constate Philippe Olry, professeur en éco-gestion. Et quant aux sommes restituées par les enseignes aux consommateurs, via des outils marketing (cartes de fidélité, coupons…), elles n’atteindront jamais les bénéfices obtenus par les distributeurs sur les marges arrière.Nouveaux leviersLa loi Châtel met finalement un terme à ces dérives inflationnistes, en 2008, en réintégrant la marge arrière dans le calcul de revente à perte. Et relance la concurrence sur les prix: “Aujourd’hui, la situation des distributeurs est moins confortable car ils ne savent pas exactement ce que les concurrents ont comme marge et doivent se battre davantage sur les prix de gros”, note Marie-Laure Allain.La LME tend, dans la foulée, à redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs, par l’introduction de la liberté tarifaire entre fournisseurs et distributeurs. Pour le consultant Bernard Duchamp, ce texte remet le prix au centre des débats - “le prix d’achat devient déterminant puisqu’il n’y a plus de marge arrière dans le prix de vente du distributeur” -, induisant une plus grande transparence. Et moins de profits?“Aujourd’hui les trois quarts des distributeurs ont un besoin en fonds de roulement (BFR) négatif. Leurs marges avant, réduites, et leurs résultats sont insuffisants pour financer leur activité”, observe Philippe Olry. Dans un contexte de crise, tous s’opposent, pourtant, à l’exception de Serge Papin, pdg de Système U, à la modification de la LME réclamée par les industriels. Pour Philippe Olry, c’est avant tout parce que les enseignes font désormais plus de marges sur leur trésorerie que sur les produits de consommation eux-mêmes, via le déploiement d’activités annexes destinées à faire fructifier de l’argent. La création d’offres de crédit sous formes de carte de fidélité en est l’exemple. Et la preuve que, quelle que soit la conjoncture, la grande distribution reste un business très rentable.

Vers plus de transparence ?

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