Coca-Cola absent des rayons des supermarchés Casino et Leader Price: c’est l’une des conséquences de la bataille sur le prix que se livrent les enseignes. Le sujet est sur toutes les lèvres et durcit le bras de fer entre industriels et distributeurs. “La grande distribution est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise”, alertait, en avril dernier, Jean-Philippe Girard, le président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), lors de la présentation des résultats annuels du secteur. À savoir, la santé économique de ses fournisseurs. Leclerc en tête, suivi de Carrefour, Casino et, le dernier en date, Auchan, affichent clairement leur stratégie: être le moins cher. Afin de renouer avec la rentabilité après une année 2013 difficile pour Auchan, Vincent Mignot, directeur général du groupe, a annoncé “investir fortement sur les prix, faire preuve d’une nouvelle agressivité et continuer à innover avec de nouvelles formules économiques.” La guerre des prix est déclarée. Expression d’une saine concurrence ou, au contraire, spirale destructrice de valeur? La question divise les professionnels du secteur au point qu’ils s’interrogent aujourd’hui sur la viabilité d’un modèle essentiellement basé sur l’agressivité tarifaire. Pourtant, la stratégie de domination par les coûts ne date pas d’hier. “La baisse des prix dans le retail est au cœur du modèle de la GSA depuis l’après-guerre”, souligne Yves Marin, senior manager chez Kurt Salmon, qui en rappelle les vertus: “il est assez sain de rétrocéder au consommateur une partie de la valeur économique captée. Sans quoi, le marché finit par exploser”. Les pouvoirs publics n’ont pas attendu une telle situation pour mettre un terme aux dérives inflationnistes des lois Royer, Raffarin et Galland. En faisant voter la LME en 2008 (et avant elle, les lois Dutreil et Chatel), ils ont voulu réintroduire la compétition entre les enseignes et rétablir un équilibre plus favorable aux consommateurs sur le prix des PGC. “Ce ne sont pas les distributeurs qui ont organisé la baisse des prix mais la LME qui a été faite pour donner du pouvoir d’achat aux consommateurs”, soutient Guy Leclerc, président de la Fédération du Commerce Associé (FCA). Pour ce dernier, sans la LME, le pouvoir d’achat aurait perdu pas moins de 5%.
Déflation des PGCException française, cet interventionnisme de l’État dans les relations industrie-commerce a durablement influencé l’évolution des prix dans le secteur de la grande consommation, comme l’observe Pierre Biscourp, chef de la division Commerce de l’Insee: “ce qui est très impressionnant, c’est que depuis 2005, la France est, de loin, derrière nos voisins européens, le pays le moins inflationniste sur les PGC”. Tandis que l’Espagne, l’Angleterre ou encore l’Allemagne ont connu des hausses de prix sur tous les produits, y compris alimentaires, la France a conservé la TVA à 5,5% sur les produits essentiels. En 2013, selon IRI, malgré une stabilisation du prix des matières premières agricoles à la hausse – notamment sur le blé et le lait -, il n’y a pas eu, non plus, de répercussion sur les prix en rayon. “Sur le premier trimestre 2014, on observe même une déflation de l’ordre de -0,8%, dont -1,6% sur les marques nationales”, indique Jacques Dupré, directeur Insights. Une déflation dont profitent, pour l’heure, les consommateurs. Et côté fréquentation, une chose est sûre: la compétitivité paie. Le redressement de Carrefour doit beaucoup à sa gamme “Garantie le prix le plus bas”. Quant à Casino, qui a investi 190?M€ dans des baisses de tarifs en 2012, il a vu le chiffre d’affaires de ses hypermarchés Géant grimper de 2,2% et son trafic client progresser