Déçus. Frustrés. Les consommateurs fidèles se sentent négligés. À en croire une étude publiée par l’Institut Toluna et Generix Group, en septembre dernier, 93% des Français ont le sentiment que leur fidélité n’est pas récompensée à sa juste valeur. Les marques seraient-elles des ingrates? “Ce qui est certain, c’est qu’elles jouent avec le feu en créant chez leurs clients un sentiment d’insatisfaction, souligne Christophe Kühner, responsable du marketing produit GCC chez Generix Group. Elles prennent le risque de transformer leurs premiers ambassadeurs en ennemis”. Ce n’est pourtant pas faute d’y avoir mis les moyens. CRM, cartes de fidélité, bases de données clients: rares sont les enseignes ou les marques qui ne se sont pas dotées d’un programme de fidélité et qui y ont investi du temps et de l’argent. À tel point qu’en 2013, près de 50% des Français détenaient, en moyenne, entre trois et dix cartes de fidélité. Alors, pourquoi existe-t-il un tel décalage entre les efforts consacrés à la fidélisation des clients et le ressenti globalement négatif qui en découle? Parce que, bien souvent, la récompense ne correspond pas aux attentes des consommateurs. “Pour 42% des personnes interrogées, la marque doit être capable d’identifier son client fidèle et de le récompenser”, indique Christophe Kühner. Or, cette reconnaissance n’est pas toujours au rendez-vous. À la question “que veulent mes clients fidèles?”, trop de marques et d’enseignes restent coites, alors même qu’il s’agit des détenteurs de cartes de fidélité. “Les données restent mais l’on prend rarement en compte la réalité du client, constate Thierry Spencer, directeur associé de l’Académie du service. Les enseignes n’ont de cesse de changer leur système de récompense alors que les clients aspirent à de la stabilité et qu’on les reconnaisse pour la durée de leur fidélité”. La difficulté à manier les données clients, le turn-over permanent au sein des services marketing, les revirements dans la stratégie de fidélisation sont autant de facteurs qui ont creusé l’écart entre les entreprises et leurs clients. Mais c’est surtout la confusion entre fidélité et fidélisation qui est à l’origine de cette incompréhension, selon le mythologue et spécialiste des marques Georges Lewi: la fidélité, c’est quand le consommateur décide de rester fidèle à une marque ou une enseigne. La fidélisation, c’est quand la marque essaie de vous embrigader”. Qui dit fidélisation, ne dit pas forcément fidélité.
Logique d’inertieDe fait, encarter un client ne garantit en rien son engagement exclusif. Encore moins son affection. “Il est très important de dé-corréler la perception de la fidélité de l’acte d’achat et du fait de participer de manière active – donc, d’avoir été encarté – à un programme de fidélité”, observe Christophe Kühner. Ce qui explique, aussi, pourquoi la plupart des consommateurs s’estiment peu fidèles alors qu’ils fréquentent les mêmes enseignes à longueur d’année et achètent les mêmes marques au quotidien. Répondant à une logique de proximité géographique, ils sont d’abord fidèles par habitude. “Il y a une grosse distinction à faire entre l’inertie qui consiste à retourner au même endroit parce que l’on y a ses habitudes et la vraie fidélité qui englobe un comportement répétitif et un attachement à l’enseigne”, explique Catherine Viot, maître de conférences et responsable pédagogique du Master 2 Marketing, à l’IAE de Bordeaux. Un programme de fidélisation intéressant, avec des promotions régulières, suffit à retenir un client sans qu’il se sente pour autant engagé. Une fidélité en trompe-l’œil dont se satisfont beaucoup de retailers. “On constate une forme d’aveuglement marketing à ne pas vouloir prendre conscience du fait qu’une grande partie de la clientèle