Transparence sur la filière bio

• Quand avez-vous initié votre démarche de traçabilité sur les filières? Il y a dix ans, sur le bois exotique. Nous avons été accompagnés sur nos zones d’importation par une ONG, The Forest Trust (TFT). Elle nous a aidés à identifier que les matières premières que nous achetions étaient bien issues de filières durables. Dans le même esprit, nous avons démarré, dès 2010, un programme pour la suppression de l’huile de palme. Nous nous étions donnés 5 ans, mais c’était sans doute trop tôt, trop ambitieux à l’époque, compte tenu du manque de maturité du marché, en particulier de grands faiseurs qui ne voulaient pas vraiment faire bouger les lignes. Nous avons donc changé d’approche en privilégiant la traçabilité. Nous sommes remontés progressivement tout au long de la chaîne, en interrogeant directement les filières. Aujourd’hui, 70% de notre huile de palme est tracée jusqu’au premier importateur. Et nous allons remonter jusqu’aux fermes productrices. Dans cette première vague de travail sur la chaîne d’approvisionnement, nous avons également exploré les filières du charbon de bois et, en 2019, du soja et du cacao en matière de traçabilité. • Et, aujourd’hui, c’est au tour du bio? Exactement. C’est une continuité assez logique, fruit de la conjonction de plusieurs éléments. D’abord sont arrivées sur le marché des solutions collaboratives combinant nouvelles technologies, savoir-faire et connaissance des réseaux, qui pouvaient nous permettre d’être beaucoup plus rapides et réactifs: jusque-là, nous avions construit des outils expérientiels peu digitaux pour questionner nos fournisseurs. Parallèlement, différentes crises, comme le Horsegate, sont passées par là. Nous nous sommes donc demandés quelle filière l’on pourrait étudier afin d’ôter toute crainte sur la maîtrise des risques sociaux et environnementaux, sachant que sur la qualité, nous avons déjà depuis longtemps des démarches très formalisées. Et avons opté pour la filière bio en 2018. Pourquoi? Tout simplement parce qu’il existe une forte demande sur ces produits et que la matière première ne provient pas toujours de France. S’il est relativement simple de tracer les matières brutes comme la viande ou les fruits et légumes, la démarche se complique avec des produits composés où les ingrédients peuvent provenir de plusieurs origines. En Europe, le label est à peu près maîtrisé. Ailleurs, c’est un peu plus flou: les référentiels ne sont pas les mêmes; il y a moins de reconnaissance systématique. Nous nous sommes donc lancés dans ce travail de traçabilité en nous appuyant sur SGS Transparency-One. C’est un travail assez long puisqu’il faut que les fournisseurs acceptent de jouer le jeu de la transparence.• Quel est le mode opératoire avec SGS? Nous avons 400 références de produits bio à marque propre et 200 fournisseurs de rang 1. Concrètement, nous fournissons à SGS la liste de ces fournisseurs de rang 1. Ceux-ci vont être contactés afin qu’ils transmettent, s’ils le souhaitent, un certain nombre d’informations qui seront intégrées à la plateforme de Transparency-One. Sachant que nous avons deux niveaux d’information possibles. Notre premier niveau d’exigence concerne le type de matière et son origine. Ainsi, d’étape en étape, nous pouvons reconstituer le circuit de fabrication du produit, de la matière première jusqu’à notre fournisseur de rang 1. Ensuite, certaines données peuvent être confidentielles comme, par exemple, le nom de l’entreprise à qui le fournisseur de rang 1 achète ses produits. Nous ne souhaitons pas avoir accès à ces données afin de rassurer le fournisseur. SGS récupère et vérifie les certificats sociaux, environnementaux, de qualité et, bien sûr, bio de ces fournisseurs. Dans le cadre d’un abonnement annuel qu’ils souscrivent auprès de SGS, ils s’engagent, chaque année, à mettre leurs certificats et informations à jour. C’est donc un travail pérenne qu’ils peuvent, aussi, ouvrir à d’autres clients de la même filière.• Quels résultats avez-vous obtenus? Nous sommes sur un taux de réponse de 50% sur les fournisseurs de rang 1. C’est peu. Nous nous sommes donné un an pour monter à 100%. Il faut, pour cela, travailler à l’élimination de deux freins: la réticence des acteurs à partager des informations et le prix de l’abonnement. Beaucoup de fournisseurs craignent encore une utilisation “malveillante” de ces informations par les distributeurs. Nous devons les convaincre, à force de pédagogie, et leur faire comprendre que c’est un enjeu qui servira à tous, sur l’ensemble de la filière. Quant au coût de l’abonnement, nous expliquons que cet investissement peut leur permettre de proposer un gage de transparence à d’autres clients. Mais ce n’est pas encore rentré dans l’ère du temps.• Allez-vous étendre cette démarche à d’autres filières? Oui, après le bio, nous sommes désormais en phase de repérage. Dans un premier temps, nous avons choisi de travailler sur la tomate. Puis nous allons étendre la démarche sur la filière des fruits et légumes du bassin méditerranéen où, notamment, nous pouvons être confrontés à du travail illégal compte tenu des problématiques de migration de personnes. Nous allons, également, apporter de la transparence sur les filières du poulet, du porc et du bœuf. Enfin, nous réfléchissons à des filières plus complexes en termes de traçabilité comme le coton ou le bricolage. Repères ? La direction qualité et du développement durable concerne l’ensemble des enseignes, alimentaires et non alimentaires, du Groupement Les Mousquetaires. Elle réunit 45 personnes réparties dans différents pôles de compétence qui couvrent pratiquement tous les domaines de la RSE: qualité produit et magasin, santé et sécurité au travail, environnement, gestion des déchets, gaspillage alimentaire, achats responsables… ? La moitié en volume des marques propres du groupe est fabriquée dans les unités de production du Groupement; l’autre moitié par quelque 1?000 fournisseurs avec lesquels Les Mousquetaires développe des programmes de transformation de filières.