Simplification ratée : Complexification réussie

Le projet de loi de simplification de la vie économique va-t-il survivre à l’actualité politique ? Sa disparition, en particulier de son article 25 bis A, ferait en tout cas le bonheur des organisations professionnelles du commerce qui sont vent debout. Les députés ont adopté le projet de loi de simplification de la vie économique le 17 juin 2025 (et le Sénat en octobre 2024) avec 275 voix pour, 252 contre et 21 abstentions. Le texte doit désormais être examiné en Commission mixte paritaire (CMP) pour les articles restant en discussion, fin septembre/début octobre. Enfin, tels étaient les délais potentiels avant les récents événements politiques. Le projet de loi porté par François Bayrou sera-t-il toujours vivant dans quelques semaines ? Rien n’est moins sûr. L’article 25 bis A jugé mortifère Si ce projet de loi vise à simplifier et réduire la charge administrative des entreprises, en particulier des TPE-PME, il est loin de faire l’unanimité. À l’image des différentes organisations professionnelles de la distribution qui alertent sur son danger. La FCA, notamment, met en garde « sur des dérives en opposition totale avec l’esprit du projet ». La Fédération du commerce coopératif et associé appelle les parlementaires qui se réuniront en CMP à retirer l’article 25 bis A du projet de loi de simplification de la vie économique, dans sa version déposée à l’Assemblée nationale le 17 juin dernier, qui introduit de nouvelles obligations pour les commerçants et « des inégalités injustifiées parmi les acteurs du commerce en France, lesquelles ne feront qu’avantager les plateformes numériques étrangères ». Un article jugé « mortifère pour le commerce de France ». Parmi les obligations introduites figurent notamment : ► l’extension de l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) aux commerces dès 400 m², contre 1 000 m² aujourd’hui ; ► l’extension de l’autorisation d’exploitation commerciale aux réseaux sous enseigne de taille moyenne et grande, « alors même que les réseaux d’indépendants, dont le commerce coopératif et associé fait partie, sont les mieux placés pour préserver un commerce indépendant ancré dans les territoires, et pour mener à bien les investissements colossaux requis par les transitions écologiques et numériques », souligne la FCA ; ► l’extension de l’obligation d’autorisation d’exploitation commerciale aux entrepôts logistiques : « une aberration qui favorisera les grandes plateformes existantes, à l’heure où le commerce physique doit, au contraire, lui aussi, se doter de l’infrastructure nécessaire pour innover, proposer une expérience omnicanale et accompagner l’évolution des besoins des Français », précise-t-elle. La FCA s’élève également contre « la stigmatisation de la distribution alimentaire et des réseaux d’indépendants dans les critères d’examen des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, autant de commerces de proximité prisés des Français, et autant de véritables locomotives pour dynamiser les métropoles comme les zones rurales ». Quand la simplification rate sa cible De son côté, le Conseil du Commerce de France, aux côtés de ses fédérations adhérentes et de ses entreprises, est également vent debout contre l’article 25 bis A. Derrière un objectif affiché de régulation, cet article introduit un arsenal de contraintes qui pénalise les commerçants en place et tous les porteurs de projet. Ce dispositif, en abaissant drastiquement, voire en supprimant, les seuils de surface de vente soumis à autorisation préalable d’exploitation et en élargissant les critères d’examen des commissions d’aménagement commercial (CDAC), « met gravement en danger le développement, la modernisation et à court terme la santé économique du commerce en France ». Le CdCF souligne que cet article 25 bis A complexifie les démarches administratives d’autorisation, allonge fortement les délais et rend très coûteux et incertains les projets d’ouverture ou d’extension de magasins de plus de 400 m². Globalement, il complexifie tous les projets portés par les entrepreneurs qui souhaitent installer un commerce, y compris en franchise ou en location-gérance, à partir du moment où l’enseigne est déjà implantée dans 20 communes. Dans le contexte d’une nécessaire transformation du secteur, il représente un frein à l’investissement et à l’innovation, particulièrement dans les territoires où le commerce a besoin de se renouveler pour survivre. Le CdCF dit craindre, notamment, une aggravation de la vacance commerciale, faute de porteurs de projets prêts à affronter l’imbroglio administratif. « En voulant ériger des barrières sous prétexte de préserver le tissu commercial existant, le texte oublie que la vitalité du commerce repose sur sa capacité à évoluer, à se transformer, à innover pour répondre aux besoins d’omnicanalité des clients », souligne Guy Gras, président du CdCF, qui appelle solennellement les parlementaires à revenir sur ce dispositif « contre-productif » lors de l’examen du texte en CMP. Et d’avertir : « Le commerce a besoin de soutien, pas de bâtons dans les roues. La relance de nos territoires passe par la souplesse, l’agilité, et non par une bureaucratie renforcée qui ne peut être la bonne réponse à la simplification annoncée ! »