Alors que l’inflation s’installe en France, la question du pouvoir d’achat domine les débats des candidats à la présidentielle, tout comme elle préoccupe les acteurs de la grande consommation. Face à l’explosion généralisée des coûts de production, les industriels peinent à faire passer les hausses de tarifs et les distributeurs entendent préserver, au maximum, le porte-monnaie des Français. Un climat de tension qui pousse à réfléchir à de nouveaux modes de production et de distribution. De la crise, naît souvent l’innovation…
Par Cécile Buffard
C’est l’histoire d’une baguette de pain. Non pas celle qui, en août 1951, avait rendu fou les habitants de Pont-Saint-Esprit, petit village du Gard, mais celle qui, en 2022, enflamme des industriels en pleines négociations commerciales, dans un contexte inflationniste hors normes. Alors que la hausse des prix des produits de grande consommation se confirme en janvier (+11,08 % sur les pâtes, +5,4 % pour les fruits secs et +4 % sur les conserves de tomates, comparé à 2021), Michel-Édouard Leclerc a jeté de l’huile (également en hausse de 1,8 %) sur le feu, avec sa baguette à 29 centimes destinée “à défendre le pouvoir d’achat” de ses “18 millions de clients qui en redemandent”. Une action symbolique fortement décriée par la filière industrielle… Et ses concurrents. Les prix grimpent et les esprits s’échauffent. La loi EGALIM 2, rédigée pour sanctuariser la matière première agricole ne suffit plus à contenir la flambée générale des coûts, sur tous les postes de dépense : énergie, carburant, matières premières, transport, emballage… Bref, la maison brûle et le problème dépasse largement les linéaires des hypermarchés. Stabilisée à 2,8 % en décembre dernier, l’inflation est repartie à la hausse, en janvier, à 2,9 % sur un an. Une accélération qui s’explique essentiellement par une hausse des prix de l’énergie (+19,7 %, après +18,5 % en décembre) et des services (+2 %, après +1,8 % le mois précédent), selon l’Insee. Les prix alimentaires progressent de 1,5 % (après +1,4 % en décembre), tirés par les produits frais (+3,6 % après +3,3 % en décembre). À 2,8 %, la hausse des prix à la consommation arrive à un pic jamais atteint depuis 2008. Elle atteint même 3,4 % selon l’IPCH (base de comparaison au niveau européen), en raison du poids plus élevé de l’énergie dans cet indicateur. La flambée des prix de l’énergie a dépassé ses anciens records et contribue à elle seule à la moitié de l’inflation. Cette hausse est d’autant plus mal vécue que les ménages n’ont aucune prise sur ce poste de dépenses, ne pouvant se priver de chauffage, d’électricité et pour les non-citadins, de véhicules motorisés.
Le panier de courses flambe
Cette reflation marquée intervient après des années de déflation. “En 2021, les produits à la grande consommation étaient restés largement déflationnistes, avec une baisse des prix de -0,5 %”, souligne Émilie Mayer, Directrice Business Insight chez Iri. Si, au total PGC, l’inflation reste modérée (+ 0,16% en janvier), certaines catégories sont plus touchées que d’autres. C’est le cas de l’épicerie salée (+1,15 %) et de la famille “Petit déjeuner”, ont grimpé, respectivement, de 1,4 % sur les cafés torréfiés en raison d’épisodes de gel au Brésil, de +0,98 % sur les confitures à cause des mauvaises récoltes de fruits et de + 0,13% sur les céréales, dont la production a été impactée par la vague de chaleur qui a sévit au Canada, l’été dernier. Aux aléas climatiques s’ajoutent un déséquilibre entre l’offre et la demande, ainsi que d’importantes hausses des cours des matières premières. Avec une telle conjoncture, Émilie Mayer table sur une “possible augmentation des prix en magasin de 3 % au deuxième trimestre de l’année 2022”. Fait inédit, ce sont les produits 1er prix et les MDD qui accusent les plus fortes hausses, dépassant même les marques nationales. “Ce renversement s’explique par la part plus importante de matière première dans le prix de ces produits et par la capacité de réaction et d’adaptation plus forte des enseignes sur leurs propres marques”, explique Emmanuel Cannes, Client Business Partner chez Nielsen. Aussi, entre janvier 2021 et janvier 2022, les pâtes premier prix affichent une hausse de 41 % (contre 7,4 % pour les marques de fabricants), le café MDD, + 7,4% (contre 2 % pour les grandes marques et le riz, + 5% pour les 1er prix (contre +1,7 % pour les marques de fabricants). “Beaucoup de produits du quotidien sont impactés par ces hausses qui pénalisent d’autant les ménages à faible pouvoir d’achat”,