Une recherche de sens
Avec Laurent Zeller, DG de Nielsen France
“Le roseau plie mais ne rompt pas. La consommation et l’industrie de la grande consommation sont très résilientes”. Pour Laurent Zeller, DG de Nielsen France, les chiffres sont têtus et n’incitent pas à l’inquiétude exagérée: “Dans l’ensemble, dans un contexte déflationniste, les PGC ont finalement bien résisté en 2015, malgré un ralentissement de la croissance des volumes”, avec une progression des volumes de 0,6% et une hausse du chiffre d’affaires de 1,6% en GMS. Avec une nuance à apporter: sur les 103 Mds€ de CA enregistrés par les PGC, 3 Mds€ ont été “sponsorisés” par les mécaniques de discount. Autrement dit, la croissance du total de la grande consommation a été pénalisée de 1,1% par la baisse des prix et de 0,3% par la progression des promotions.
On va “chiller” La contribution des différentes circuits à la croissance se calquent sur la sociologie de la consommation: globalement, les magasins de proximité (+8%) et le e-commerce (click & drive) contribuent pour près de la moitié de la croissance. “D’où une problématique intéressante qui préfigure sans doute les prochaines années. Dans la vie de la consommation, il y a des moments où l’on gagne du temps quand on fait ses courses – par exemple, en e-commerce, en mode pilote automatique – et d’autres où l’on en perd, mais pour se faire plaisir, dans sa zone de vie, en commerce de proximité. On a tendance à opposer ces deux modes de consommation. Mais, finalement, ils se retrouvent à l’intérieur du même individu ou du même foyer qui, à un moment donné, privilégie l’efficacité et, à un autre moment, veut juste “chiller”(1), comme disent les plus jeunes”, souligne Laurent Zeller. Cela dit, un tiers de la population privilégie les hyper et super où ils disent trouver choix, prix, promotion et gain de temps. Un autre tiers a plutôt un angle d’attaque autour de la qualité des produits, du frais et du bio avec une sensibilité à la façon dont ils consomment: “c’est un curseur qui a énormément bougé ces dernières années”, ajoute-t-il. D’autres sont des convaincus du drive et des courses en pilotage automatique. Enfin, certains consommateurs ne font pas de choix de circuit, mais cherchent, surtout de la praticité et du prix. “Ces chercheurs en praticité sont souvent les plus zappeurs et travaillent le triptyque entre temps, efficacité et prix”, précise-t-il. Enfin, près de 55% de la contribution à la hausse des PGC vient de consommateurs qui privilégient l’achat de marques de PME/TPE. “Cela n’a jamais été aussi fort. On retrouve, ici, ce besoin de donner un sens à sa consommation, d’avoir envie de faire corps avec son tissu d’habitation, de recherche d’humanité, quitte à payer plus cher pour un produit proposé par des entreprises engagées dans une politique RSE. Ce curseur sociologique bouge énormément. Et ce n’est pas un effet de mode. C’est un effet qui s’inscrit dans la nouvelle génération de consommateurs, depuis plusieurs années, et qui aura, très certainement, des effets renforcés sur les choix de produits, de marque, de circuit”, conclut-il.
Chiller: De l’anglais to chill (flâner): se relaxer, se détendre, prendre du bon temps.
55 % de la contribution à la hausse des PGC vient de l’achat de marques de PME/TPE
Consommer autrement
Avec Nathalie Damery, présidente de l’ObSoCo
Un Français sur deux désire consommer autrement. Un chiffre stable, enregistré grâce à la création, en 2012, de l’Observatoire des consommations émergentes. “Notre 3e édition nous permet d’avoir le recul nécessaire et de mesurer très précisément les différents facteurs qui contribuent à ces consommations émergentes”, précise Nathalie Damery, présidente de l’ObSoCo. Une réalité relativement complexe qu’il faut nuancer. De fait, 25% des consommateurs sont satisfaits des modèles offerts par la grande distribution. Et 25% disent vouloir consommer plus. “C’est contre-intuitif, d’autant que dans ces 25%, beaucoup de jeunes disent, par exemple, vouloir acheter leur voiture, parce que c’est un marqueur de vie adulte. Il faut donc bien différencier les grandes métropoles où l’on privilégie l’usage, où la propriété n’est pas un marqueur et la province où, lorsque vous êtes à 10?km d’une ville, vous ne pouvez pas faire vos courses sans voiture”, précise-t-elle. Concrètement, les personnes qui déclarent vouloir consommer autrement, désirent pouvoir réaliser des arbitrages: si je ne peux/veux acheter ce produit, je vais le louer. “Là aussi, c’est contre-intuitif, analyse Nathalie Damery. Qui, aujourd’hui, peut se permettre de passer massivement à la location? Ce sont, quand même, pour l’essentiel, des gens qui ont déjà beaucoup… Là encore, il y a des marqueurs à l’achat. Par exemple, les produits qui signent l’installation de jeunes couples comme la machine à laver”. Et puis, il y a ceux qui attendent plus de qualité, de l’innocuité, de la responsabilité, des produits qui durent longtemps, des garanties à 10 ans, voire à vie. “Il y a une véritable aspiration à ce que les acteurs de la consommation donnent des signes de non-gaspillage, de non-renouvellement des biens achetés”, ajoute-t-elle.
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