À couteaux tirés. “Brutales”, “agressives”, les négociations commerciales 2013 se sont achevées “dans un climat détestable”, à en croire ceux qui y ont participé et qui acceptent, aujourd’hui, d’en témoigner. Et autant dire que pour ces professionnels, la discrétion reste de mise sur cette période cruciale où se décident, dans le box des acheteurs, l’ensemble des tarifs et prestations annuels. Une culture du silence, propre aux affaires d’argent, parfois ébranlée par les déclarations tonitruantes de trois fédérations – l’Ania, Coop de France et la FCD – révélant l’extrême tension qui règne entre fournisseurs et distributeurs. Habituel jeu de ping-pong ou véritable signal d’une entrée dans la zone rouge? “Il y a un fort sentiment de ras-le-bol qui remonte”, confirme le médiateur délégué national, Benoist Cirotteau. Une chose est sûre: entre les deux camps, le bras de fer se durcit à mesure que la situation économique de la France se dégrade. Avec une croissance zéro du PIB en 2012 et la baisse historique de 0,4% du pouvoir d’achat des ménages, observée par l’Insee au printemps 2013, les entreprises sont à la peine. Si les industriels déclarent réaliser entre 0,5 et 1,5% de marges, en 2012, les enseignes, elles, assurent ne pas dépasser les 1,4% en moyenne. Match nul, donc, pour les deux secteurs qui, plus que jamais, continuent de se battre sur les prix, sur fond de volatilité des matières premières.
Œil pour œilPrincipal grief des industriels: la non répercussion systématique de la hausse des matières agricoles sur le prix de vente en magasin. “Depuis la flambée des cours, en 2008, cela fait maintenant plusieurs années que les industriels ne parviennent pas à faire passer ces hausses”, déplore Alexander Law, directeur économie et innovation de l’Ania. En résulte la récente altercation entre Michel-Edouard Leclerc et la Fédération Nationale des Industries Laitières (FNIL). Son président, Olivier Picot, n’a pas hésité à qualifier d’”oligarchique” la position des distributeurs français qui ont refusé l’augmentation de 3 centimes d’euros par litre de lait, visant, tout particulièrement, Michel-Edouard Leclerc. Une mise au pilori que le plus médiatique des distributeurs n’a guère appréciée: “J’y vois une manière de me choisir comme bouc-émissaire”, affirme-t-il sur son blog, pointant plutôt du doigt “les trois opérateurs laitiers qui se répartissent aujourd’hui environ 90% du marché du lait de consommation français”. Œil pour œil, dent pour dent. Industriels et distributeurs se renvoient la balle puisque, au final, aucun n’est capable d’absorber des hausses de prix. “Ces confrontations sont très critiquées, mais il faut voir que l’on parle de relations entre fournisseurs et clients qui doivent collaborer ensemble et entre lesquels s’opère, mécaniquement, un partage de marges”,