400 Mt de plastique sont produites chaque année dans le monde. Plus de 8 Mt finissent dans les océans. 70 % des 5 Mt d’emballages ménagers produites en France chaque année sont recyclées. 12 % de Français ne trient jamais. 50 % des déchets ménagers plastiques sont recyclables. 25 % le seront bientôt dans des filières en cours de développement. Mais 25 % ne disposent pas encore de solution de fin de vie. Résultat, il faut agir sur plusieurs fronts : éliminer les plastiques superflus, innover pour que les plastiques utilisés deviennent réutilisables, moderniser les filières de recyclage, faciliter les gestes de tri, mettre en œuvre l’éco-conception… Autant de chantiers nécessaires pour parvenir à une économie circulaire des plastiques. La dynamique est en route, sous la pression conjuguée des attentes des consommateurs et du législateur.
Par Catherine Batteux
Chaque année, plus de 400 millions de tonnes de plastiques par an sont produites dans le monde (source : Ademe – Plastics Europe, 2018) dont plus de 8 millions finissent dans les océans (Fondation Ellen Mc Arthur, 2017). En France, 314 000 tonnes de déchets sont jetées dans la nature chaque année. Selon l’Ademe, les estimations des flux de plastiques arrivant jusqu’aux océans fluctuent entre 0,7 et 12,7 millions de tonnes de plastiques par an, selon les stratégies d’échantillonnage, les méthodes de mesure ou l’hétérogénéité des plastiques étudiés. Dix rivières transportent 90 % des déchets plastiques dans les océans, dont 8 sont situées en Asie et 2 en Afrique (source : Export of Plastic Debris by Rivers Into the Sea, centre de recherche environnemental allemand Helmholtz, 2017). Le Nil contribue à plus de 40 % des déchets plastiques dans la Méditerranée, soit plus de 15 000 bouteilles déversées par minute (source : WWF, 2019). Pour la Fondation Ellen Mc Arthur, les 8 millions de tonnes de plastiques qui se frayent un chemin jusqu’aux écosystèmes marins équivalent à décharger, chaque minute, le contenu d’un camion poubelle en mer. Si rien n’est fait, ce nombre passerait à deux par minute d’ici à 2030, et à 4 par minute d’ici à 2050. D’après les recherches disponibles, les océans contiennent plus de 150 millions de tonnes de plastique. Si rien n’est fait d’ici à 2050, les océans contiendront plus de plastiques que de poissons en poids. Les déchets plastiques en mer et sur le littoral sont, ainsi, devenus une préoccupation majeure. En témoignent les alertes des navigateurs et des scientifiques concernant la formation de zones d’accumulation de plastiques au centre des grands gyres océaniques, développant, ainsi, le concept de “7e continent”.
Urgence Plus de 90 % des plastiques produits sont dérivés de ressources fossiles vierges. Cela représente 6 % de la consommation mondiale de pétrole. D’ici 2050, si rien n’est fait, ce taux représentera 20 % de la consommation de pétrole et 15 % du budget carbone annuel mondial. Dans de nombreux cas, les plastiques contiennent un mélange complexe de substances chimiques toxiques qui pourraient avoir des impacts sur la santé humaine et l’environnement.
Or, le développement et la mise sur le marché de nouveaux matériaux et formats d’emballage sur l’ensemble des chaînes mondiales de distribution et d’approvisionnement sont beaucoup plus rapides que la conception et le déploiement des systèmes de collecte et des infrastructures de traitement après usage. Il y a urgence à mettre en place une nouvelle économie des plastiques qui repose sur les principes de l’économie circulaire en éliminant les déchets et en les réintégrant dans de nouveaux produits ; en augmentant les performances du recyclage, sa qualité et son exploitation ; en renforçant l’adoption d’emballages réutilisables ; en investissant dans la création de nouveaux matériaux et formats ayant un impact négatif minime sur l’environnement ; en favorisant l’éco-conception ; en facilitant les gestes de tri. Dans un monde où les emballages plastiques sont omniprésents, leur remplacement n’est pas si évident. Les industriels vont devoir réinventer leur business model et les consommateurs s’adapter à de nouveaux modes de consommation. Le travail est immense. Mais vital.
Supprimer le superflu Car, oui, il s’agit bien là d’un des plus grands défis environnementaux avec, à la clé, une problématique découlant d’un modèle linéaire de consommation à usage unique. Et c’est sans doute l’un des points majeurs à mettre en œuvre : éliminer les plastiques superflus. “Un meilleur recyclage ne résoudra pas à lui seul les problèmes liés au plastique que nous devons affronter aujourd’hui, nous devons aborder la question des déchets plastiques à la source, insiste Sander Defruyt, responsable de l’initiative Nouvelle Economie des Plastiques à la Fondation Ellen Mc Arthur. Cela signifie que nous devons éliminer les articles en plastique dont nous n’avons pas besoin, innover pour que tous les biens nécessaires en plastique deviennent réutilisables, recyclables ou compostables, et faire circuler tous ceux que nous utilisons en les réutilisant ou en les recyclant en de nouveaux produits ou emballages. Nous devons agir maintenant, et sur tous ces fronts en parallèle”. Autrement dit, innover grâce à des modèles de réutilisation et de nouveaux matériaux et gérer de façon circulaire le plastique avec, notamment, des solutions plus contraignantes en termes d’emballage des aliments pour atteindre, selon les vœux – illusoires ? – de certains, une économie où le plastique ne devient jamais un déchet. Engagé dans l’économie circulaire en tant que membre de la Fondation Ellen MacArthur, DS Smith, acteur des emballages en carton, a ainsi identifié plusieurs secteurs de la grande distribution pour lesquels des solutions de substitution au plastique innovantes seraient pertinentes. Ainsi, près de 1,5 million de tonnes de plastiques sur les 20 millions de tonnes produites par an en Europe pourraient être évitées en privilégiant l’éco-conception : emballages allégés, matières premières renouvelables, recyclées et/ou recyclables. DS Smith a été récompensé lors des Oscars de l’Emballage, en novembre dernier, pour son coffret Twist, le premier plateau-repas zéro plastique sur le marché du déjeuner livré en France.
Les entreprises s’engagent Sous la pression des attentes des consommateurs et d’une panoplie de lois et réglementations (voir encadré), les entreprises mettent en place des stratégies de réduction de leur utilisation de plastique, à usage unique ou non, et communiquent sur leur intention de répondre aux exigences législatives en annonçant, globalement, la recyclabilité, à 100 %, de leurs emballages plastiques, au plus tard en 2025. Marketing sincère ou “plastic bashing” ? “Depuis, deux ans, le changement est important. C’est hallucinant de voir à quel point cela bouge, réagit Valentin Fournel, directeur de l’éco-conception chez Citeo. Sous l’effet de la réglementation, certes, mais surtout grâce aux attentes des consommateurs. Pour les entreprises, ce n’est plus une question, c’est une évidence. Elles se mobilisent. Nous sommes extrêmement challengés pour que cela aille plus vite. Certes, cela part un peu dans tous les sens. Mais notre rôle est d’apporter une