“À part manger, dormir ou aller au petit coin, on fait tout dans l’Oasis et comme tout le monde est là, c’est là que l’on se fait des amis”. Wade Watts Ready Player One (2018 – Steven Spielberg), d’après une adaptation du roman d’Ernest Cline
Des espaces virtuels interconnectés, en 3D temps réel, où il est possible de partager des expériences immersives et engageantes. Bien plus qu’un nouveau canal de distribution, le métavers se révèle être véritablement un nouveau territoire d’expression aux multiples opportunités pour les marques et les enseignes. Avec, à la clé, une créativité illimitée à même de séduire les jeunes générations, consommateurs de demain.
Par Catherine Batteux
Bretagne, janvier 2025. Mon casque de réalité virtuelle scotché sur la tête, je file en conférence de rédaction. J’ai ouvert mon espace virtuel de travail en clonant mon bureau au bord de l’eau pour y accueillir mes interlocuteurs. Mais aujourd’hui, j’ai rendez-vous dans un autre espace virtuel, avec mes collègues, pour échanger sur un nouveau projet. Nous avons créé une salle de réunion en pleine forêt, nous avions besoin de prendre l’air. Nos avatars nous ressemblent, sauf pour le directeur des partenariats qui a préféré choisir son héros de comics préféré. Le patron est en retard, il passera voir si tout va bien sous forme d’hologramme. J’ai choisi de porter le dernier vêtement virtuel que je viens d’acheter dans la boutique numérique de ma marque préférée. D’ailleurs, je vais sans doute craquer pour sa version physique IRL. Il est vraiment superbe : il a été créé collectivement par la communauté d’utilisateurs du métavers. Je l’ai porté lors du lancement de la collection lors de rooftop party sur Decentraland, juste d’avant d’assister au concert d’Ariana Grande sur Fortnite. Je changerai de tenue tout à l’heure, pour m’entraîner à l’escrime avec Marko dans Meta, à moins que j’aille faire un tour dans Nikeland, jouer à chat sur des trampolines avec mes potes. Science-fiction ? Pas vraiment. Le roman dystopique de Neal Stephenson, Snow Crash (Le Samouraï virtuel), publié en 1992, qui le premier a fait référence au métavers, fait irruption dans nos vies. À grands coups d’investissement des différentes plateformes en réalité mixte, augmentée ou virtuelle. On y trouve les pionniers, les acteurs du gaming (Fortnite d’Epic Games, Roblox…), aux côtés de plateformes décentralisées (Decentraland, The Sandbox), et de Facebook qui a récemment changé de nom pour Meta, affirmant au passage sa nouvelle stratégie. Toutes ont en commun d’attirer les plus jeunes, ces générations Z ou alpha, si complexes. Avec l’avènement des cryptomonnaies, de la blockchain, des NFT’s, on y recrute pour fidéliser de futurs consommateurs dans le monde réel, tout en leur vendant, dès à présent, des biens virtuels, parfois même plus chers que dans la vie réelle. Si le secteur du luxe a été le premier à tester le métavers, désormais, de nombreuses marques lui ont emboîté le pas : Carrefour, WalMart, Nike, Coca-Cola, adidas Originals… Avec l’ambition de créer des expériences immersives, sans contraintes des lois physiques du monde réel, où tout est possible.
Définir le Métavers?
Alors comment définir le métavers ? Pour l’heure, il n’y a pas encore vraiment de consensus, tant le sujet est foisonnant. On pourrait dire qu’il s’agit d’univers virtuels 3D temps réel, interconnectés, immersifs et collaboratifs. Lors du Connect 2021, Mark Zuckerberg s’est exprimé sur les missions de Meta en explorant ce que pourraient être les expériences dans le métavers au cours de la prochaine décennie, de la connexion sociale au divertissement, en passant par les jeux, le fitness, le travail, l’éducation et le commerce. Il a souligné que “l’histoire de la technologie dans nos vies peut se résumer à la façon dont elle nous a permis de nous exprimer et de découvrir le monde. Nous sommes passés de l’ordinateur au web, puis aux téléphones portables. Des textos aux photos et aux vidéos”. Sauf que toutes ces actions, seul face à son écran, nous privaient de la sensation de présence. Avec le métavers, grâce à une vision binoculaire avec une image pour chaque œil, la sensation de présence pourra émerger. “C’est un peu un simulacre de présence, mais c’est tellement bien fait, il y a tellement peu de latence quand on bouge la tête, le réalisme est tel que l’on peut vraiment s’y croire et se sentir ensemble dans un même lieu”, souligne Nathan Stern, directeur des études d’Altavia Shoppermind, une entité du groupe Altavia dédiée à la connaissance du consommateur et des nouvelles formes de commerce. Ainsi, comme le définit Mark Zuckerberg, “la prochaine plate-forme sera encore plus immersive : un Internet incarné où vous ne vous contenterez pas de regarder l’expérience, mais en ferez partie. Nous sommes convaincus que le métavers succédera à l’Internet mobile”. Et d’ajouter : “Il ne s’agit pas de passer plus de temps sur les écrans. Il s’agit de donner plus de sens au temps que nous y passons déjà”.
Des technologies bientôt accessibles
Ces expériences seront accessibles au travers de différents équipements : des lunettes de réalité augmentée pour rester présent dans le monde physique, des casques de réalité virtuels pour être complètement immergés, des gants et gilets haptiques (et pourquoi pas un jour des combinaisons complètes) qui permettent le ressenti et le toucher, des smartphones et des ordinateurs pour évoluer dans les métavers, d’une plateforme à une autre. Dans ce futur, on pourra, dans un premier temps se téléporter dans un univers en 3D sous forme d’avatar – puis, à terme, sous forme d’hologramme –, pour se retrouver instantanément au bureau sans se déplacer, à un concert avec des amis, dans le salon de proches, en réunion autour d’un projet, dans le flagship d’une enseigne ou d’une marque. “Les expériences peuvent être vécues à différents degrés. Le temps que les technologies soient accessibles à tous, il est tout à possible de consulter le métavers depuis un smartphone 2D, mais l’histoire sera dégradée”, prévient Nathan Stern. L’objectif pour les différents acteurs, étant de développer des solutions accessibles au plus grand nombre qui, via des capteurs, permettent de reproduire les expressions du visage et l’apparence physique d’une personne, jusqu’aux émotions. “Ce qui est frappant avec ces technologies, c’est que cela devient très vite saisissant, tellement vivant, ajoute Nathan Stern. On est très vite en connexion émotionnelle avec l’environnement et les autres utilisateurs”. Des technologies qui vont encore évoluer, comme le précise Valérie Piotte, directrice de l’agence Altavia Cosmic : “Les solutions pour se passer des casques tout en accédant à un monde virtuel très sensitif étant en R&D. Les experts se donnent entre 5 et 10 ans pour que le métavers existe pleinement dans une version ultime. Aujourd’hui, les premières briques sont en train de se construire sur plusieurs univers.”
Effet de mode ou opportunités réelles ?
“Le métavers nous bouleverse, nous fait tomber de notre chaise, lance Nathan Stern. Je suis à la fois fasciné et horrifié par le métavers. Je ne peux pas rester insensible dans une posture uniquement professionnelle : cela me paraît tellement impliquant sur le plan sociétal, psychologique, anthropologique, civilisationnel…”. Alors le métavers… Juste un effet de mode, comme Second Life ? Ou est-ce que vraiment, cela va tout changer. “Les prophéties de Mark Zuckerberg vont-elles être vérifiées ? Est-ce potentiellement le prochain chapitre d’Internet qui est en train de s’écrire avec des investissements de plusieurs milliards de dollars ?”, questionne-t-il. Si, pour l’heure, personne ne sait vraiment quelle forme le métavers va revêtir, ni ce qui va fonctionner ou non, on peut toutefois imaginer, au vu des investissements conséquents des différents acteurs, que des bouleversements se préparent et que “les enseignes et les marques seraient bien inspirées de suivre de très près le métavers, d’y mettre un pied pour apprendre à nager pour éviter de boire la tasse le jour où l’eau aura monté”. Quelles sont, d’ores et déjà, les opportunités que représente cet univers virtuel parallèle et digital pour les marques et les enseignes ? Comment démarrer dans ce métavers à court terme,