Subissant de plein fouet les nouvelles règles européennes de protection des données et les crises des matières premières, les marques nées sur Internet, adorées des investisseurs jusqu’à l’an dernier, doivent transformer leur modèle économique. Panorama des nouvelles clés pour réussir. Par Jean-Bernard Gallois
C’est au cœur de l’été qu’a surgi l’appel au secours, lancé début juillet par une soixantaine de marques digitales via une lettre ouverte à Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des Finances. Le collectif, à l’initiative des fondatrices de la marque de lingerie We are jolies, s’est baptisé We are Lucioles, en contrepoint des flamboyantes 25 licornes françaises (ces entreprises technologiques valorisées à plus d’un milliard d’euros) et en a appelé au soutien de Bercy. Un coup de tonnerre au sein d’un monde parlant plus volontiers de “storytelling”, et “levées de fonds” que problèmes de trésorerie et de fins de mois. De loin, le tableau paraît idyllique. “Avant le covid, en 2020, on comptait 350 marques nées sur le web en France et aujourd’hui, plus de 600, calcule Vincent Redrado, fondateur de Digital native group et spécialiste du secteur. Elles représentaient l’an dernier près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 60 % par rapport à 2020.” Cependant, cet appel à l’aide a alerté sur le risque de faillite imminent de dizaines de start-up nées sur Internet.
Concurrence exacerbée
Parmi les principales raisons à leur fragilité, la guerre en Ukraine et la crise économique liée au Covid-19, qui ont largement augmenté les tarifs des matières premières et perturbé les chaînes logistiques. Un autre facteur, plus technique, a aggravé la situation : le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui protège les données des citoyens européens (voir ci-dessous) et qui a plus que doublé les coûts d’acquisition client. Sans oublier la multiplication de marques sur les mêmes marchés. “La concurrence s’est exacerbée ces dernières années avec des réplications de produits, ce qui a pu créer une certaine confusion dans l’esprit des investisseurs”, souligne Carole Juge-Llewellyn, fondatrice de Joone (voir encadré) qui a cosigné la lettre ouverte au Ministre. La hausse des taux d’intérêt et l’inflation ont fini de rendre plus circonspects les investisseurs : leurs bourses largement ouvertes se sont refermées. Tant et si bien que ces “Digitale-Native Vertical Brands” (DNVB), leur nom d’origine, doivent faire évoluer leur modèle économique. “Le Covid a donné de faux espoirs aux petites marques, qui pensaient à un taux de pénétration et à des chiffres de vente du e-commerce durables, souligne Xavier Faure, cofondateur du fonds d’investissement Spring Invest. On constate que le mouvement vers le magasin physique, aperçu avant le covid, s’est amplifié.” Bref, les dnvb se transforment en onvb,