Marchés de prédilection et marchés impénétrables

C’est l’une des fiertés des défenseurs du commerce coopératif et associé et l’un des signes de sa réussite: la diversité des secteurs d’activité concernée par cette organisation. En effet, les 89 groupements de commerçants coopératifs et associés couvrent une trentaine de secteurs différents. Un spectre qui réunit à peu près tous les principaux domaines du retail. Tous? Pas exactement. Certaines activités restent en effet complètement insensibles au commerce coopératif et associé. L’une d’entre elles et pas des moindres: l’automobile. Si les coopératives se retrouvent sur quelques activités de prestation de services (Best Repair pour les réparations, Point S pour l’entretien général, Axial pour la carrosserie…), les points de vente de voiture, eux, ne sont jamais organisés en coopérative. Idem dans un autre domaine, a priori plus surprenant: la culture. Canal BD et Starter sont bien seuls, en effet, face à des géants comme la Fnac qui n’a statutairement plus rien de la “fédération” qu’elle fut dans le passé. À l’inverse, d’autres secteurs d’activité sont outrageusement dominés par le commerce coopératif et associé. En premier lieu, l’optique grand public. Audio 2000, Krys, Vision Plus, Atol, Optic 2000, pour ne citer que les plus connus, dominent largement le marché, laissant Alain Afflelou bien seul parmi les leaders du marché sous statut “classique”. Les autres secteurs de prédilection que sont les équipementiers sportifs (Intersport, Sport 2000, la Halle au sport…) et les accessoires pour la maison (Gitem, Bricomarché, Weldom, Gedimat…) voient également les groupes coopératifs faire largement jeu égal avec la concurrence.Une alchimie complexeComment expliquer ces différences? Où se trouve le facteur qui va voir le commerce coopératif se diffuser naturellement, ou au contraire rester à la porte, eu égard à la diversité des produits concernés? Question à laquelle Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce, répond: “Dans un secteur comme l’automobile, la relation personnelle avec le vendeur n’est pas ce que vous venez chercher. Et dans l’absolu, la demande de conseils est faible car vous avez déjà une idée assez précise de ce que vous voulez acheter. À l’inverse, dans un secteur comme l’optique, ou l’équipement sportif grand public, le conseil du professionnel occupe une place importante”, explique-t-il. Autre facteur assez proche, les commerces coopératifs réussissent mieux pour des fréquences d’achat élevées. Là encore, la preuve par le contraire: “Dans le secteur de l’automobile, l’âge moyen du premier achat d’une voiture neuve ne doit pas être très loin de la cinquantaine. Et le renouvellement d’un achat se fait tous les sept ans en moyenne… Sans même parler de l’importance accordée à la marque dans ce secteur”. La différence entre le secteur favorable et le secteur rétif repose donc sur une subtile équation “fréquence d’achat + implication d’achat + besoin de conseil”. Une réalité de terrain loin, elle, des considérations statutaires. Le ver est dans le fruit? Alliances et mésalliance Si le commerce coopératif et associé reste une organisation atypique, il n’en demeure pas moins ouvert à des alliances stratégiques. La preuve récente avec le rapprochement annoncé entre Système U et Auchan. Mais ce type de collaboration pourrait-il remettre en cause la logique coopérative? Le partenaire “non coopératif” peut-il avoir des exigences de changement sur les contraintes liées au modèle? “Nous continuons nos discussions avec Système U, avec un objectif: passer des fiançailles au mariage”, affirmait d’ailleurs Vincent Mignot, le DG d’Auchan, en février dernier. Sachant qu’Auchan pèse deux fois plus lourd que Système U, difficile d’imaginer que des “adaptations” ne vont pas être exigées. “Il peut malgré tout y avoir des rapprochements, car les valeurs défendues par le commerce associé ne lui sont pas exclusives. Je pense notamment à des préoccupations comme “l’implication des hommes” que l’on retrouve certes dans toutes les coopératives, mais aussi dans d’autres entreprises”, analyse Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Ce qui ne l’empêche pas de conclure que, dans le cas de Système U – Auchan, des adaptations ont été faites dans le cadre du rapprochement. Et pas nécessairement au bénéfice de la vision du plus “coopératif” des deux.

Marchés de prédilection et marchés impénétrables

Commerce coopératif et associé