Oligopsone. C’est la position qu’occupe la grande distribution française. À savoir, beaucoup de demandeurs – les fournisseurs – pour peu d’acheteurs. Un rapport de force qui, régulièrement, tend à virer au combat de boxe, lors des négociations commerciales. Cette année n’a pas fait exception. “Les distributeurs se sont montrés sans foi ni loi et encore plus agressifs que les années précédentes”, a déclaré Jean-René Buisson, le président de l’Ania, quelques jours après la clôture des accords commerciaux. Refus systématiques des conditions générales de vente et des hausses de tarifs, signature tardive de la convention annuelle, parfois jusqu’à la veille du 28?février, la date ultime, restent autant de pratiques habituelles au secteur. Mais lorsque celles-ci flirtent avec les limites de la légalité, à coups de pénalités excessives, de conditions et de ristournes négociées hors du cadre de la convention annuelle et, par conséquent, non vérifiables par la DGCCR, elles peuvent devenir carrément déloyales. “Lors des négociations annuelles, les règles du jeu sont inexistantes, car l’objectif, pour un acheteur, est d’acheter aux conditions les plus avantageuses pour lui”, confirme Philippe Olry, professeur d’éco-gestion à l’Université de Nancy-Metz. Les hostilités sont lancées.
Lutte d’egosAllumer le radiateur à fond ou faire attendre pendant une heure le vendeur à l’accueil avant de le recevoir: les méthodes des acheteurs ont une réputation sulfureuse. Mythe ou réalité? “Le commerce, ce n’est pas une histoire d’enfants de chœur”, concède François Girard, délégué général du club des Acheteurs de France (CDAF) pour lequel il n’existe pas de “mauvaises pratiques” – à l’exception de cas individuels et isolés – mais plutôt des produits et des vendeurs médiocres. “Le box des négociations, ce n’est que la fin de l’histoire. Si le produit est bon, que le dossier a été bien préparé, on s’en sort toujours, même si l’on est un petit fournisseur”, explique ce dernier. Cassant l’image d’Épinal des méchants distributeurs. Au Super U de Rémilly, en Moselle, on a, ainsi, plutôt tendance à choyer les fournisseurs locaux: “Nous travaillons, au niveau régional, avec des entreprises locales qui ne dépassent pas 20 ou 30 salariés. Lorsque celles-ci sont en difficulté, comme cela a été le cas pour la charcuterie, on prend souvent les tarifs comme ils nous les demandent”, explique son directeur. Le ton change, toutefois, radicalement, dès lors que ce sont des grands groupes qui réclament des hausses tarifaires. Et l’entente cordiale peut rapidement dégénérer en lutte d’égos: “Le problème avec ces fournisseurs, c’est qu’ils se croient encore sous la loi Galland?! Ils nous demandent des augmentations de tarifs pour en récupérer derrière en coopération”,