Filles de la crise, les entreprises coopératives occupent, plus que jamais, le devant de la scène. Solidement implantées dans l’économie française, ces organisations, pour qui “l’union fait la force”, représentent, aujourd’hui, pas moins d’un million d’emplois et 288 Mds€ de chiffre d’affaires cumulé, soit 23% des performances réalisées par les entreprises du CAC 40. Et le modèle continue de séduire. Réflexe conjoncturel? Cette autre voie, placée sous le signe de la mutualisation et de la solidarité, prend tout son sens, à un moment où l’Europe, menacée par la faillite de la Grèce, s’enfonce dans la récession économique. “Les coopératives sont nées en situation de crise. La solidarité n’est pas nécessairement naturelle chez l’homme: ce n’est que dans les situations difficiles qu’on la retrouve spontanément”, rappelle Caroline Naett, secrétaire générale de CoopFr. La crise profite donc à l’économie sociale et solidaire. Le nouveau gouvernement lui a même dédié un ministère, sous la houlette de Benoît Hamon, le ministre délégué chargé de l’Economie sociale, dont le rôle sera d’organiser le glissement progressif d’une “économie du poing fermé” vers une “économie de la main tendue”. Et à l’heure où la confiance dans l’économie de marché, ébranlée par les dérives de la finance à outrance, semble s’éroder, le modèle coopératif et son retour à l’économie réelle rassure et intéresse. Exit les spéculations boursières, parachutes dorés et autres emprunts toxiques: l’objectif des coopératives est, avant tout, de créer de la valeur et des services, plutôt que des dividendes.
ÉCONOMIE RÉELLEConstruire “un modèle de gouvernance indépendant des diktats boursiers”, garde-fou des dérives d’“un capitalisme débridé”, annonce le manifeste 2012, publié par Coop de France. Et depuis la crise de 2008, mater et moraliser les marchés est devenue une idée à la mode.Même la Banque centrale américaine (FED) s’y met, en proposant, récemment, de renforcer le cadre réglementaire des banques, dit de Bâle III, à partir de 2013. ”On peut faire une économie qui fonctionne sans être une économie capitaliste avec un conseil d’administration de requins et des fonds de pension étrangers qui se fichent de la façon dont fonctionne l’entreprise en la soumettant à des exigences folles”, assure ainsi Chantal Chomel, directrice des Affaires juridiques et fiscales de Coop de France. Pour preuve: la résilience du modèle coopératif. “Les banques coopératives françaises et européennes ont mieux résisté à la crise financière”, indique Bertrand Corbeau, directeur général de la Fédération nationale du Crédit Agricole. Le secret de ces entreprises? Un mode de gouvernance basé sur une organisation qui conserve l’essentiel de ses résultats dans ses fonds propres. Pas de compte à rendre, donc, aux actionnaires, et un intérêt au capital limité, pour ses membres. “Le taux de rendement moyen, identique à toutes les coopératives, tourne aujourd’hui autour de 3,17% ce qui, mécaniquement, met des freins aux appétits de lucrativité”, note Caroline Naett. Et si l’associé coopérateur a droit au montant de sa part, il ne touche, en revanche, pas de réserve lorsqu’il se retire. Un moyen de pérenniser l’entreprise, au profit des générations futures. Pour Bertrand Corbeau, “à l’inverse du modèle commercial, qui vise à maximiser ses profits à court terme afin d’en redistribuer une partie significative aux actionnaires, dans un domaine où le pouvoir repose sur celui qui détient la plus grande partie du capital, l’économie coopérative, portée sur le long terme, est faite pour créer de la valeur”. Et sa vocation principale est d’être utile aux hommes.
Jouer collectifPlutôt que sur le profit, les entreprises coopératives se basent sur le principe fondamental de la société de personne, plaçant l’homme au cœur du dispositif de gouvernance. Et si chaque sociétaire a la voix au chapitre, selon le principe coopératif d’un homme = une voix, la mutualisation fait partie des règles communes à respecter.“Dans une coopérative agricole, l’implication économique des membres est très forte”, explique Chantal Chomel. Ce qui explique