Le 16?janvier 2018. Une enquête sur Lactalis programmée à la télévision, à une heure de grande écoute (Cash Investigation). Un compte Twitter qui s’ouvre dans la journée, sous le hashtag #lactalisrépond. Quelques minutes plus tard, le bad buzz se propage sur la toile. On reproche au groupe son silence, son manque d’empathie. Le numéro un laitier, grand absent des réseaux sociaux – et des médias en général – depuis toujours, vient de signer l’une des pires gestions de crise, quelques semaines après qu’a éclaté l’affaire du lait infantile contaminé aux salmonelles. Signe que se soustraire aux questions des internautes peut coûter cher. “Les entreprises qui se trouvent dans une situation de crise oublient souvent la notion d’empathie, trop obsédées par le fait générateur de la crise qu’il faut résoudre rapidement et elles se font piéger sur le terrain de l’émotion”, analyse la netnologue Caroline Faillet, fondatrice du cabinet de conseil en stratégie digitale Bolero. Lactalis s’est rendue coupable d’avoir tardé à répondre et quand elle l’a fait, d’avoir emprunté la voie officielle, via un communiqué de presse, plutôt que d’adopter le discours de proximité propre aux médias sociaux dont elle ignorait, jusqu’alors, les codes. Si le risque sanitaire a été maîtrisé, l’image et le nom de l’entreprise en ressortent abîmés. Ce récent faux-pas viral révèle le fossé qui existe encore entre certaines marques et les consommateurs 2.0 et confirme l’absolue nécessité d’appréhender les nouvelles formes de communication qui fleurissent sur le web depuis près de dix ans.
Outils d’écoute Plus de 40millions d’utilisateurs par mois. Près de 25millions de visiteurs par jour. L’audience de Facebook, premier réseau social mondial, a de quoi faire rêver… Ou effrayer. Les autres médias – Twitter, Instagram, Pinterest, Snapchat – ne sont pas en reste, regroupant des communautés de plusieurs dizaines de milliers d’individus. “80% des internautes déclarent utiliser les réseaux sociaux. Les marques les considèrent désormais comme un passage obligé pour toucher leur cible d’autant que la plupart des consommateurs délaissent les médias traditionnels. Les plateformes sociales ont ouvert de nouvelles possibilités”, observe Sophie Noël, directrice générale de l’agence Heaven. Face à une information de plus en plus prolixe, d’un côté, et à des consommateurs toujours plus méfiants vis-à-vis des discours de marque, de l’autre, les communautés ont créé leur propre réseau d’influence. Mieux que dans n’importe quel focus groupe, les marques y trouvent les clés de compréhension des attentes de leurs clients. “Les réseaux sociaux sont un superbe outil d’écoute des consommateurs grâce auxquels les marques peuvent trouver des informations pour améliorer leurs services et leurs produits”, assure la directrice. Sources intarissables de données personnelles, ces espaces d’échanges entre internautes relèvent aussi bien du miroir aux alouettes que du terrain miné. Toutefois, ne pas y aller par crainte de ternir son image, c’est risquer de se couper d’un public qui n’attend ni les marques, ni les enseignes pour adapter ses usages à ses besoins.
Far West digital Il suffit de se promener sur la toile pour réaliser l’immensité de la sphère sociale qui s’y est construite. Entre YouTube, les blogs et les vlogs, les posts, tweets, épingles et autres stories, difficile de choisir le médium le plus adapté. “Il y a une euphorie sur ce marché, avec une multiplicité de canaux, de plateformes et d’agences qui proposent des contenus sponsorisés auprès des influenceurs à des échelles de prix qui demeurent obscures pour les marques”, affirme Nicolas Chabot, VP EMEA de Traackr qui n’hésite pas à qualifier ces réseaux de “Far West digital” où les critères d’exigence sont à géométrie variable selon les marques et les agences. “Les marques sont encore en phase de découverte et font parfois preuve de naïveté dans l’écosystème du web. Beaucoup délèguent leur stratégie digitale à des agences et n’ont pas conscience des mauvaises pratiques”, poursuit le spécialiste. Faux followers, audience surévaluée, opérations de communication mal ciblées, les réseaux n’ont pas encore atteint l’âge de raison… Mais ils se soignent. “Ils sont en voie de rationalisation, déclare Caroline Faillet, il faut arrêter de faire des choix de façon empirique et remettre du factuel afin de créer de la performance. Le cimetière digital est énorme alors que la data nous permet aujourd’hui de savoir ce qui est pertinent”. En effet, des outils existent pour aider les marques à y voir plus clair et à bâtir une stratégie data-driven. Reach, ciblage, retargeting mesure de l’audience, du risque et de la conversion se sont standardisés. Ils sont autant de moyens destinés à provoquer et utiliser l’engagement, l’adhésion des socionautes qui se traduit par des “likes”, “retweets” et autres “j’aime”.
Vertus de l’engagement Pour créer cet