E-sport : La revanche des gamers

Stupeur sur la planète web. En 2014, Twitch, société qui diffuse des jeux vidéo en streaming vient d’être rachetée par Amazon pour un montant de 970?m$. De quoi alerter ceux qui, jusque-là, considéraient l’e-sport comme un genre réservé aux adolescents attardés. La discipline n’est pas aussi jeune qu’il n’y paraît. Le marché, en croissance depuis 15 ans, a commencé à exploser en 2011 avec l’arrivée du jeu League of Legends. Un succès commercial que connaîtront, ensuite, Counter-Strike, Call of Duty et Just Dance. On évalue à 500 Mds$ le poids de l’e-sport dans le monde, pour une trentaine de joueurs professionnels. D’après Deloitte, les revenus et l’audience devraient doubler au moins jusqu’en 2020. En France, le marché tourne autour de 15?M€, sans compter les ventes de jeux et de matériel liés à e-sport qui viennent grossir ce chiffre, selon Julien Brochet, directeur d’Oxent et de l’événement ESWC. Le potentiel est d’autant plus fort que la discipline se professionnalise. “Aujourd’hui les joueurs professionnels gagnent très bien leur vie. Il y a des commentateurs, des agents, des producteurs, des diffuseurs… Un univers équivalent à celui du sport se met en place”, explique Julien Brochet. Les gamers commencent même à remplir des stades de foot, lors d’événements sponsorisés par les marques, tels que L’E-sport World Convention (ESWC) une compétition mondiale qui accueillera, début mai, les 16 meilleures équipes du monde venues s’affronter pendant trois jours. Fin de l’âge ingrat Côté spectateurs, les choses se structurent. Des fan-clubs se créent et animent les compétitions. “Les joueurs qui ont un niveau très élevé y ont mis un investissement tel que les supporters les soutiennent avec passion”, affirme Julien Brochet. Cerise sur la manette: les amateurs de e-sports ne sont plus des gamins: “50% d’entre eux ont entre 25 et 35 ans et sont capables de dépenser beaucoup d’argent pour leur passion en maillots, produits dérivés, manettes, compétitions, etc.” La cible privilégiée des marques. Si le spécialiste du moniteur LED BenQ, major sponsor de l’ESWC, va naturellement équiper en écrans les gaming zones et les scènes de la grande finale de la Coupe du Monde des jeux vidéo, d’autres marques – parmi elles Samsung et RedBull – se greffent sur l’événement, avec un objectif: ne pas laisser monter un segment qui leur échapperait. Car, déjà, la notoriété du e-sport est boostée par la télévision. “Pour la première fois, on a retransmis la finale ECA FIFA sur l’Équipe TV qui continue à diffuser du e-sport”, se félicite Julien Brochet. Le e-sport deviendra-t-il le sport de demain? “La discipline connaît une audience supérieure à certains sports. Il n’est pas délirant d’imaginer que d’ici quelques années, elle égalera ou dépassera les recettes du football”, annonce le directeur d’Oxent. Et les millions de followers des gamers stars tels que Gotaga (sponsorisé par Redbull), parlent d’eux-mêmes. Avis aux sponsors. Geeks Dieux des stades C’est une étape importante pour le e-sport. Le texte visant à encadrer la pratique des jeux vidéo remis le 24?mars dernier à la secrétaire d’État au numérique, Axelle Lemaire devrait être voté à la fin du mois d’avril. L’e-sport bénéficierait alors d’un statut légal et serait considéré comme discipline professionnelle. Un pas vers la reconnaissance d’un secteur souvent dénigré. “Les gens du sport traditionnel ne croient pas au phénomène e-sport. Il est difficile pour des sportifs de considérer que des jeunes qui agitent des manettes devant un écran soit des professionnels”, concède Philippe Dardelet, directeur business sport chez Deloitte. Qui aurait cru au succès du Poker, il y a dix ans? “Tout comme le sport, l’e-sport nécessite de l’entraînement, une stratégie, de la tactique et de l’endurance”, souligne le directeur… Et bien sûr, de l’ambiance. Call of Duty : 1-PSG : 0 Soutenus par une communauté de passionnés très forte, les gamers ne manquent pas de supporters. “La dernière finale de Call of Duty a été suivie par 3millions de fans, soit plus qu’un match PSG-OM”, compare Philippe Dardelet. Celle de League of the Legends, à Berlin a compté 36millions de vues en ligne et 17?000 spectateurs en live, indique Deloitte. Des chiffres comparables à une finale de Coupe de France. De quoi faire frémir les gérants de stade? À vrai dire, pour l’heure, ils y trouvent plutôt leur compte. L’AccorHotels Arena accueille depuis 2006 la finale ESWC et fait le plein pendant quatre jours. De plus, les stades évoluent. À l’image du flambant neuf stade connecté de Lyon, les enceintes de demain seront équipées de wi-fi et permettront aux spectateurs de voir le déroulement d’une partie sur écran. Une façon de réunir le meilleur des deux mondes.