Tous coupables?! Du producteur au consommateur final, la nourriture se perd dans les rouages de notre société de consommation. Et la file des gâcheurs est longue. Mais qu’appelons-nous gaspillage alimentaire? Selon l’analyste Julian Parfitt, il se cantonne en bout de chaîne alimentaire. Il est donc lié aux comportements des consommateurs. Alors que les pertes alimentaires concernent le volume de denrées à l’étape de la production, de l’après-récolte et de la transformation. Cette distinction est palpable géographiquement. L’étude 2011 “Pertes et gaspillages alimentaires dans le monde”, publiée par la FAO (Food and Agriculture Organization), met en lumière le phénomène. Un tiers de la production alimentaire mondiale, destinée à la consommation humaine est perdue ou gaspillée, soit environ 1,3?milliard de tonnes chaque année. Dans les pays en voie de développement, plus de 40% des pertes sont constatées en amont, au stade de la production agricole, pour des raisons d’absence d’infrastructures (emballages, respect de la chaîne du froid, etc.). Alors que dans les pays industrialisés, plus de 40% de ces pertes sont relevées au moment de la distribution et de la consommation. Encore plus déconcertant: le gaspillage alimentaire par les acheteurs des pays du Nord, s’élevant à 222millions de tonnes, équivaut à la production alimentaire nette d’Afrique subsaharienne (230millions de tonnes). “Cela veut dire que plus nous industrialisons, plus nous rencontrons des problèmes dans le processus d’approvisionnement qui se traduit par une désynchronisation totale entre l’offre et la demande”, explique Joseph Felfeli, président d’Acteos. À cela s’ajoute la responsabilité citoyenne. En France, les ménages jettent 20kg de déchets par an et par personne, dont 7kg avec l’emballage, selon l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). “Faire une liste de courses, bien gérer ses achats, ça compte”, estime Bruno Siri, délégué général du Conseil national de l’emballage. Nous sommes dans une société d’opulence où, même en période de crise, nous ne donnons plus une valeur inestimable à nos denrées alimentaires”. Pourquoi tant de gaspillage? Dans la conjoncture actuelle où les disparités sociales se sont accrues, et avec l’inflation des prix à la consommation (+ 0,9% sur un an selon l’Insee), l’injustice règne. Combien de produits finissent à la poubelle des super et hypermarchés chaque jour? Difficile à déterminer. Impossible à quantifier. Rares sont les langues qui se délient à ce sujet. Il y a un manque de transparence de la part des acteurs des enseignes. Quelles sont les failles?
Quantité jetée: le flou dans les hypermarchés5%. C’est le volume de pertes au niveau du commerce de détail et de gros estimé par l’étude “Preparatory Study on Food Waste Across EU 27”, commanditée par la Commission européenne. Si ce chiffre est faible, il a un effet ricochet sur les autres acteurs de la chaîne alimentaire: producteurs, fournisseurs, industriels et consommateurs. Le Crioc (Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs) précise, toutefois, que les données d’Eurostat exploitées, sont fournies par des États membres qui choisissent eux-mêmes leurs méthodes pour la collecte et le calcul des informations. Actuellement, il est difficile d’obtenir des données fiables concernant le secteur de la grande distribution. “Tout n’est pas lié qu’au gaspillage. Il y a d’autres problématiques qui entrent en compte: les erreurs informatiques et de gestions sont parfois reliées sous un même indicateur, d’où la difficulté d’obtenir un chiffre”, explique Sandrine Mercier, directrice du développement durable de Carrefour France. Sans oublier la casse, le vol et les démarques réalisées. Les catégories les plus gaspillées dans les supermarchés sont, quant à elles, bien identifiées: fruits, légumes, plantes tubéreuses, poissons, fruits de mer et viandes.
Le diktat esthétiqueSelon un rapport présenté au Congrès Mondial de l’eau à Stockholm en 2011 (Saving Water: From Field to Fork), sur 4?600 calories produites, seulement 2?000 arrivent jusque dans les assiettes. Cette perte est bien prévue. Elle sera même compensée économiquement pour le producteur par le consommateur. “Dans mon hypermarché de 5?000?m2, les manutentionnaires retirent 250kg par jour. Et de manière traditionnelle, ce n’est pas enregistré, car la perte est incluse dans le prix”, dévoile Thomas Pocher, directeur de plusieurs magasins E.Leclerc dans le Nord-Pas-de-Calais. Depuis 50 ans, la grande distribution propose des produits uniformes et colorés. Les normes réglementaires de