Avec le retour de l’inflation structurelle, les ajustements de comportement d’achat des Français paraissent incontournables. Quels sont les enjeux, à court et moyen terme, pour les marques et les enseignes ?
Selon l’Insee, l’inflation se situe à 4,8 % à fin avril 2022 portée par la hausse des prix de l’énergie. Du côté des PGC, elle tourne autour de 3 % et un peu plus sur l’alimentaire. Pour l’heure, nous n’avons pas les chiffres du mois de mai mais, à n’en pas douter, nous nous situerons autour de 4 % sur les PGC, voire un peu plus sur l’alimentaire. Et peut-être que le mois suivant, ou celui juste d’après, nous serons autour de 5 %. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas enregistré un tel taux d’inflation. Reste que cette moyenne recouvre de fortes disparités. Une dizaine des 300 catégories de produits n’est pas encore touchée. En revanche, dans les 10 catégories de produits sur lesquels on enregistre le plus d’inflation, il y a, bien sûr, les emblématiques pâtes (+15 % par rapport à l’an dernier). Viennent ensuite des produits touchés par les hausses sur les matières premières agricoles ou encore d’autres produits, comme le papier toilette ou les mouchoirs, dont la production est très énergivore, qui subissent de plein fouet la hausse des coûts de l’énergie.
Il existe, aussi, une disparité importante au niveau des marques avec une hausse remarquable sur les produits de premier prix ou sur les marques de distributeurs. Les marques nationales, elles, sont moins inflationnistes que les autres. Ce qui crée, à certains endroits, de petits chocs. Par exemple, environ 1/3 des catégories de produits d’entrée de gamme de marques nationales se retrouvent moins chères que des MDD.
Enfin, on observe une disparité entre les enseignes. Le corridor de prix entre les deux enseignes les plus chères et les deux enseignes les moins chères se situe à 23 points d’écart en avril. Et il a tendance à augmenter.
Est-ce que cela a déjà un impact sur le comportement d’achat ?
C’est encore trop tôt pour le dire. Globalement, lorsque l’on observe de l’inflation sur les PGC, l’ajustement des comportements des consommateurs est possible : soit ils achètent moins parce que tout coûte cher – mais ce levier a ses limites, surtout sur l’alimentaire –, soit ils achètent moins cher en descendant de gamme, ce qui est un levier plus actionnable. Et cette ligne commence à bouger, notamment sur les premiers prix qui, plutôt en berne ces dernières années, connaissent une nouvelle dynamique liée au contexte inflationniste. Quant à la situation du bio, dont la baisse est antérieure au retour de l’inflation, elle continue de se dégrader logiquement, les Français étant contraints de revenir sur des consommations plus classiques. Globalement, plus l’inflation va grimper, plus les ajustements de comportement seront importants. La plupart des Français vont devoir changer leur façon de consommer, car ce qui peut être gérable sur une échelle de 3 à 6 mois ne l’est sans doute pas sur un temps plus long, probablement jusqu’au début de l’année prochaine. Donc oui, nous allons voir les volumes tanguer, et certaines catégories sensibles feront l’objet d’arbitrages, comme les produits d’hygiène beauté ou la confiserie. Je pense aussi que la descente en gamme risque de s’accélérer, parce qu’absorber 5 % ou plus d’inflation, ce n’est pas gérable pour tout le monde.
Comment marques et enseignes peuvent-elles s’adapter ?
A court terme, je dirais qu’il faut, bien sûr, gérer ce sujet de tension de pouvoir d’achat en épaulant les Français les plus contraints. Mais je pense qu’il faut revisiter tout ce que l’on connaît de l’efficacité promotionnelle afin de l’adapter à cette période particulière. S’il peut être habituellement intéressant d’acheter 2 produits pour 3, ce n’est pas forcément le cas en ce moment pour les Français contraints de gérer leur budget à la semaine, puisque cela fait tout de suite monter la valeur du panier. D’autre part, toutes les marques devront, sans doute, proposer des entrées de gamme accessibles. Parce que le risque, si cet épisode s’inscrit dans la durée, c’est que les comportements temporaires s’installent et que les consommateurs apprennent à se passer de certains produits.
Mais je pense qu’il faut, aussi, travailler sur le temps plus long. Les Français ont envie d’autre chose, de durabilité, de simplification de la vie, de plaisir, de produits sains pour la santé et qui ont du sens. Plus on leur apportera ce type de solutions, plus cela fonctionnera.