+2 % de marge nette grâce à l’IA générative, rêve ou réalité ? C’est le thème d’une table ronde qui s’est tenue au salon Tech for Retail, en novembre dernier. Retour sur les réponses des intervenants : Danone, Showroomprivé.com Media et Cdiscount.
On le voit, l’horizon du commerce de demain est déjà dessiné et façonné par l’IA. « Cette technologie est perçue comme un moteur de croissance. Les premiers cas d’usage sont là. Entreprises et retailers peuvent générer du contenu de manière nouvelle et unique avec une précision qui n’était pas réalisable auparavant. Selon une étude McKinsey, elle pourrait même générer jusqu’à 2 % de marge nette », souligne Florent Chaussade, vice-président Commerce et Biens de consommation de Salesforce, lors d’une table ronde qui s’est tenue au salon Tech for Retail sur ce thème, en novembre dernier.
Traiter de gros volumes de données
Point de départ de l’IA générative : les volumes de données. Un terrain de jeu idéal pour Cdiscount avec 80 millions de produits en vente grâce à 15 000 vendeurs sur sa marketplace visitée par 1 à 2 millions d’internautes chaque jour. « Pour remplir notre mission d’organiser la rencontre entre les clients et les produits à grande échelle, nous avons déployé l’IA depuis longtemps. Nous avons 50 algorithmes majeurs qui jalonnent l’ensemble du parcours client. Cela commence en dehors du site avec le SIO jusqu’à l’après-vente, la relation client. Quand l’intelligence artificielle générative est apparue, c’était donc très naturel pour nous de nous en emparer et de la tester, dès l’été 2022, dans notre moteur de recherche », raconte Antoine Pierart, directeur digital, marketing et client de Cdiscount qui en a fait une priorité d’entreprise. Désormais, 15 cas d’usage ont été déployés en production sur le site, dont la moitié sont déjà complètement industrialisés.
Chez Danone, tous les projets d’innovation sont basés sur des programmes de transformation. L’entreprise a testé l’IA sur l’excellence d’exécution des forces de vente (400 personnes en France et plus de 5 000 personnes en Europe). « Nous utilisons, par exemple, l’IA prescriptive pour optimiser les tournées, en utilisant la data comme un outil qui va accélérer la facilité de saisie en magasin. Et l’IA générative fait désormais partie de nos projets en développement avec notre partenaire. Nous avons identifié des objectifs, par exemple sur le contenu marketing, la supply chain ou sur les visites de la force de vente », explique Cédric Rubod, directeur des clients internationaux chez Danone. Cela permettra aux commerciaux, lorsqu’ils arriveront en magasin, d’avoir des objectifs générés automatiquement et sur lesquels ils n’auront plus qu’à réadapter leur préparation de visite pour être efficaces. « Nous pensons que cette technologie va nous aider à obtenir un rendement supérieur pour mieux toucher nos shoppers et nos clients », précise-t-il. Danone entend aussi avancer sur la technologie chatbot qui permettrait, notamment, de faciliter l’interaction des managers avec leurs équipes et de répondre à un premier niveau de questions, quasiment en instantané.
Accompagner le projet
En tant que retailer pure-player avec une masse de data à traiter, Showroomprivé s’est aussi naturellement tourné vers l’IA, d’abord sur l’optimisation du parcours client. « L’IA s’intègre aussi dans la production des ventes et sur différentes structures qui associent tech et data. Côté management, notre mission est d’accompagner la stratégie de transformation de l’entreprise en utilisant cette optimisation de la performance offerte par l’IA et de travailler sur la gestion des carrières et les nouveaux métiers de demain », souligne élodie Richard, directrice de Showroomprivé.com Media.
Souvent, les premières personnes à être impliquées dans le développement de sujets d’IA générative sont les data scientists. « Nous avons une équipe de 30 data scientists en interne. La clé a vraiment été de les faire collaborer avec les différents métiers. Nous n’avons pas fait l’erreur de les laisser tout seuls dans leur coin. Ils travaillent en binôme avec l’ensemble des métiers qui interviennent sur le parcours client. C’est vraiment ce qui permet d’identifier les cas d’usage, puis d’en accélérer le développement », résume Antoine Pierart. Le deuxième défi que Cdiscount a dû relever, c’est celui de la priorisation face à l’enthousiasme suscité par l’IA générative auprès des équipes. D’autant qu’il « n’a jamais été aussi facile de tester une IA générative. Beaucoup d’idées émergent. Nous avons traité cet enjeu de priorisation avec un leadership fort au niveau du comité exécutif pour arriver, cas d’usage par cas d’usage, à capitaliser sur la connaissance que l’on développait. Il a fallu ensuite, consolider cette expertise », raconte-t-il. Cdiscount a donc créé un guide des meilleures pratiques d’IA génératives, bien sûr au sein des équipes de data science, mais aussi de l’IT, « avec pour obsession de parvenir à raccourcir les délais entre le moment où l’on valide une idée et le moment où elle part en production. Le dernier cas d’usage que nous avons traité a mis 4 semaines pour parvenir en phase de test. C’est très court », précise-t-il. Globalement, Cdiscount réalise 150 tests A/B par an sur son site proposé en deux versions afin de voir ce qui performe le mieux. « L’IA générative a complètement intégré cette roadmap de tests. C’est un facteur important pour aller plus vite en production, pour tester et apprendre », conclut-il.
Des promesses de gains
Pour Danone, Cédric Rubod tient à partager quelques conseils issus de l’expérience d’entreprises industrielles où le digital est sans doute moins au cœur des métiers. Pour autant, Danone applique une approche en duo permanent sur les cas d’usage. « C’est très important d’avoir cette approche projet avec des méthodologies agiles, explique-t-il. Une fois le projet lancé, nous avons des centres d’expertise qui viennent travailler un système permanent d’évolution et de développement sur nos cas d’usage et qui nous permettent d’être sur des runs rapides et efficaces de création ». Cédric Rubod pose toutefois la question de l’atterrissage et la façon dont cette innovation par l’IA adresse le P&L. Est-ce que l’on crée de la valeur quand on met en place cette innovation ? Quelle est cette valeur ? Quels sont les business cases qui sont associés ? Pour quel investissement ? Pour quel ROI ? Comment calcule-t-on précisément l’impact qui génère de la valeur ? « C’est d’autant plus important que tous les P&L sont extrêmement tendus dans nos industries. On ne peut pas ouvrir de chantiers massifs de transformation sans être certain qu’il y a un impact direct sur le P&L. Donc oui, les visions à plus de 2 % de marge nette existent, et je suis sûr que la trajectoire est la bonne. Mais il est important de se confronter à un “reality check” de P&L », insiste-t-il.
« Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’évaluer le pourcentage de marge nette dégagé grâce à l’intégration de l’IA, estime Élodie Richard, directrice de Showroomprivé.com Media. Je vais peut-être un peu casser l’ambiance, mais en tant que régie publicitaire, nous sommes capables de diffuser de la publicité ultra ciblée, mais nous n’avons pas encore d’IA générative. Il manque un stack d’enrichissement des datas. Mais des réflexions et tests sont en cours pour une probable intégration sur nos données de société et de membres dès 2024 ».
Taux de transformation augmenté de 30 %
De son côté, Cdiscount a déjà pu évaluer les avantages de l’intégration de l’IA générative sur 3 sujets. D’abord sur la catégorisation des 80 millions d’offres de la marketplace. « Il faut, certes, créer des produits mais, surtout, bien les ranger. D’autant que nous offrons 1 million de nouveaux produits par semaine. Désormais, l’IA nous aide à les identifier pour les recatégoriser pour qu’ensuite, à la fois les clients et les moteurs de leur recherche, les trouvent facilement. C’est important : un produit recatégorisé voit son taux de transformation augmenter de 30 % », souligne Antoine Pierart. Autre sujet, la qualité des fiches produits. L’IA générative a déjà permis à Cdiscount d’optimiser 500 000 fiches et le pure-player entend passer le cap des 1,5 million en janvier. Enfin, l’accent est mis sur le moteur de recherche, cœur de l’expérience client. L’IA générative aide à mieux capter l’attention de l’internaute. « L’un de nos enjeux est de parvenir à établir des liens entre des recherches distinctes et qui, en réalité, recouvrent le même besoin client, pour ensuite proposer la page la plus pertinente. Nous avions déjà des traitements de ce type avec de l’IA classique. Désormais, 25 % des pages de requêtes client sont redirigées grâce à l’enrichissement avec de l’IA générative. Nous avons ainsi réussi à augmenter notre taux de conversion d’1 %. Cela peut paraître faible, mais l’an dernier nous avons réalisé 3,5 milliards de volume d’affaires », précise-t-il. Cdiscount entend aller au-delà de cette première étape qu’il juge « très prometteuse. L’IA générative est en train de transformer nos modes de fonctionnement. On voit très bien apparaître deux catégories d’acteurs : ceux qui n’ont pas encore fait le pari de l’IA et ceux qui ont déjà pris le virage et sont en train de transformer leur business et d’en faire des priorités stratégiques. C’est vraiment le choix que l’on a fait depuis un an », conclut-il.