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À l’heure où nous bouclons, le mercredi 12?février, nous apprenons que le Conseil d’État a décidé de suspendre le décret autorisant temporairement les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche, publié le 30?décembre dernier. Estimant qu’il existait “un doute sérieux sur la légalité de ce décret” et à la demande des syndicats, le Conseil d’État a décidé d’en suspendre l’exécution.
L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Avec 16millions de touristes en 2013, Londres aurait détrôné Paris, en nombre de visiteurs. Très vite démentie par l’Office du tourisme de Paris, cette information n’en a pas moins affolé les professionnels du commerce et de la distribution. Suffirait-il d’un cheveu pour que la capitale française perde sa place de première destination mondiale? “La France n’est pas parvenue à faire de sa capitale un pôle d’attractivité commerciale”, affirme l’ancien PDG de La Poste, Jean-Paul Bailly, dans son rapport consacré au travail le dimanche, remis le 2?décembre dernier au premier ministre Jean-Marc Ayrault. Pour les commerçants, cela ne fait aucun doute: l’interdiction d’ouvrir les magasins le soir et le dimanche y est pour quelque chose. “Lorsqu’ils voyagent, les touristes étrangers sont aussi intéressés par le shopping que par la culture”, soutient Gérard Atlan, président du Conseil du Commerce de France (Cdcf). Dotés d’un budget de 142?€ par jour et par personne, ces touristes représentent une rente économique non négligeable.Et ils ne sont pas les seuls: une partie des Français, aussi, se déclarent prêts à consommer le dimanche. Selon un sondage Ifop publié en octobre, 69% des personnes interrogées se déclarent favorables à l’ouverture dominicale. Une désacralisation qui ne rime pas forcément avec banalisation. Car le débat sur le travail du dimanche ne date pas d’hier. Revenu sur le devant de la scène en 2013, à l’occasion du procès de Bricorama contre Castorama et Leroy Merlin, il continue d’attiser les passions. “Le cas Bricorama a attiré les projecteurs. Mais c’est le travail de mobilisation des salariés qui a conduit le gouvernement à s’emparer du sujet”, note Olivier Babeau, professeur de stratégie d’entreprise à Paris VIII. Au-delà du combat politique, ce sont bien les salariés qui ont fait de la question de l’amplitude horaire des magasins un véritable enjeu de société. Et elle est loin de faire l’unanimité.
Imbroglio législatifRégulièrement attaqué par les syndicats, le travail du dimanche est pourtant encadré par la loi. Et les textes sont clairs: l’ouverture dominicale doit rester exceptionnelle. Repris dans le rapport Bailly, ce principe a été assoupli par son auteur, soucieux de démêler l’imbroglio législatif engendré par la loi Mallié, depuis 2009. “Le gouvernement a pris conscience des difficultés rencontrées par les enseignes et des mentalités qui avaient évolué. Le rapport Bailly propose de remettre à plat la législation actuelle”, indique Emmanuelle Bordenave-Marzocchi, associée du cabinet Grall & associés. Le maire aurait désormais le droit d’autoriser l’ouverture des magasins cinq dimanches par an, en plus des sept accordés automatiquement. Une avancée concrète pour le commerce, selon Gérard Atlan qui plaide pour l’ouverture d’”au moins 12 dimanches par an pour l’intérêt général du commerce et de ses clients”. Mais ce n’est pas tout. Comme il s’y était engagé lors de la remise du rapport Bailly, Jean-Marc Ayrault a publié, le 31?décembre dernier, un décret autorisant 178 magasins de bricolage à ouvrir le dimanche jusqu’au 1er?juillet 2015. Bien que temporaire, ce décret estompe les