Compte à rebours. Plus qu’un mois avant que ne soit présenté le projet de loi Consommation de Benoît Hamon, devant le Parlement et la tension ne retombe pas, du côté des industriels et des agriculteurs, depuis la clôture officielle des négociations commerciales. Bien au contraire. Coop de France, L’Ania, la FNSEA et l’Ilec ont fait front commun lors d’une “réunion symbolique”, jeudi 11?avril dernier, pour décrire l’urgence de la situation: des éleveurs en crise, des entreprises aux marges exsangues et une volatilité extrême, selon Xavier Beulin, président de la FNSEA, elle aurait été, durant quelques jours, en septembre dernier, “supérieure à une année entière avant 2007”. Très remontés contre la grande distribution, les porte-paroles de ces cinq fédérations comptent bien utiliser le temps qu’il leur reste pour rappeler au gouvernement les engagements pris à leur endroit. À savoir, apporter à la LME, les trois précisions juridiques suivantes: affirmer clairement la primauté des Conditions Générales de Vente (CGV) en interdisant la remise en question de leur date d’entrée en vigueur. Entériner le principe d’une négociation fondée sur des contreparties quantifiables, proportionnées et effectives. Enfin, sanctionner le fait de passer les commandes à un prix différent du prix convenu. Trois nouveaux amendements qui, selon ces organisations, “permettraient de rappeler clairement les fondamentaux du dispositif législatif et de mettre, ainsi, fin aux divergences d’interprétation” des distributeurs.
Points d’achoppementCar c’est bien dans l’interprétation de la loi que réside tout le nœud du problème. “La LME est l’une des rares lois globales à n’avoir eu ni décret d’application, ni circulaire d’application”, précise Jean-René Buisson, président de l’Ania. Un vide juridique qui contribue aux fréquents dérapages, parfois violents, lors des négociations commerciales, entre fournisseurs et distributeurs. “Les distributeurs se sentent au-dessus des lois: ils se comportent en cow-boys”, déclare Jean-René Buisson. Un coup de gueule justifié, pour Olivier Desforges, le président de l’Ilec qui observe, en effet, de la part des distributeurs, “un non-respect systématique de la LME” sur quatre grands domaines en particulier. En premier lieu, sur les fameuses CGV, comprenant le catalogue des nouveaux tarifs des fournisseurs et le plan d’affaires qui établit les ristournes et promotions tout au long de l’année. Point de départ de toute négociation tarifaire, ces CGV sont, depuis 2008, régulièrement rejetées par les distributeurs qui continuent à pratiquer les prix de l’année passée. “Nous avons bouclé des négociations qui n’en sont pas puisque sitôt les accords signés, nous avons été re-convoqués par ces acheteurs et nous sommes repartis sur de nouvelles négociations”, raconte Jean-René Buisson. En second lieu, sur la notion de prix convenu selon laquelle les distributeurs doivent s’engager à apporter des contreparties, en cours d’année, au fournisseur, en cas de sous-évaluation du prix fixé lors des négociations. Or, “depuis quelques années, on constate un vide progressif sur ce sujet dû au fait que les distributeurs refusent ces contreparties”, signale Olivier Desforges qui déplore, en troisième lieu, les demandes de compensation de marges formulées auprès des industriels par les distributeurs qui n’auraient pas atteint les volumes ou la valeur espérés sur l’année. En quatrième lieu, enfin, le président de l’Ilec dénonce la possibilité pour les enseignes de comparer entre elles les CGV accordées par les industriels et qui, lorsqu’elles s’estiment lésées, demandent une réparation financière pour combler la différence avec leur concurrent mieux servi. “Tout ceci ne figure pas dans le texte de loi et est tout à fait inacceptable”, souligne Olivier Desforges.
De gauche à droite : Philippe Mangin, président de Coop de France, Jean-René Buisson, président de l’Ania, Xavier Beulin, président de la FNSEA, et Olivier Desforges, président de l’Ilec.
Renforcement des sanctionsFaire respecter la loi par les distributeurs, en précisant son application, c’est donc le mot d’ordre des fédérations. Si ces professionnels attendent du projet de loi Consommation un retour à l’équité, ils se déclarent toutefois