Impossible de parler de l’élection présidentielle qui se tiendra dans quelques jours sans évoquer la guerre en Ukraine qui a bouleversé la campagne, fixé de nouvelles priorités et changé la donne dans les sondages. Les conséquences du conflit russo-ukrainien se font déjà sentir dans notre quotidien, à travers une inflation galopante, une explosion des coûts de production et un pouvoir d’achat menacé. Dans ce climat de tensions extrêmes, les professionnels du commerce veulent faire entendre leur voix, sollicitant les candidats pour accompagner la transformation des magasins. Les filières amont défendent, elles, une souveraineté agricole et industrielle de la France face aux nouveaux enjeux géopolitiques mondiaux qui se dessinent.
Par Cécile Buffard
À quelques semaines de l’élection présidentielle, la guerre qui a éclaté en Ukraine est venue rebattre les cartes et fausser le match entre les candidats. Mettant à mal les prévisions de croissance optimistes de la Banque de France, le conflit russo-ukrainien a amplifié le phénomène inflationniste engendré par la crise sanitaire et la reprise économique mondiale qui en découle. La Banque de France évalue à 3,7 % l’indice des prix à la consommation dans la meilleure hypothèse. Dans un “scénario dégradé”, la hausse des prix en 2022 pourrait atteindre 4,4 %. Un choc d’inflation très largement imputable au renchérissement du coût de l’énergie et des matières premières alimentaires, comme le blé dont la Russie et l’Ukraine assurent le tiers des exportations mondiales. Les prévisions de croissance, elles, retombent entre 3,4 % et 2,8 % (contre 3,6 % projetés en décembre dernier) pour 2022. “La guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie affectent l’économie française par plusieurs canaux. Il s’agit tout d’abord d’un choc sur le prix de l’énergie et des matières premières, mais aussi d’un choc d’incertitude et d’un choc sur le commerce extérieur. Le choc sur les prix de certaines importations peut par ailleurs se doubler d’un choc sur les volumes, avec le risque d’un accroissement des difficultés d’approvisionnement – alors même que celles qui préexistaient, par exemple s’agissant des semi-conducteurs, ne semblent pas encore résorbées”, explique Olivier Garnier, directeur général de la Banque de France. À l’image du premier confinement, la peur des ménages de manquer de certains produits essentiels tels que le pain, les pâtes ou la farine, risque d’entraîner des réflexes de stockage qui aggraveront la pénurie. À cela, s’ajoutent une explosion des coûts de production, pour les entreprises, ainsi qu’une flambée des étiquettes en magasin, pour les particuliers, dans une période où le pouvoir d’achat s’affirme comme un axe de réflexion majeur pour tous les candidats à la Présidentielle. “La guerre en Ukraine va accentuer la crise du pouvoir d’achat, dans un contexte de hausse généralisée des prix et rendre les consommateurs encore plus vigilants sur leurs dépenses”, constate Germain Terreaux, Partner RCG chez Oliver Wyman. En outre, cette guerre dont on sait déjà qu’elle va durer, soulève, une nouvelle fois, les questions de souveraineté alimentaire et industrielle. Dans la foulée de la crise sanitaire, elle interroge sur notre capacité à absorber les chocs conjoncturels et facteurs exogènes de déstabilisation. “Les pénuries en produits dérivés du blé, du maïs et du tournesol vont avoir un impact sur la capacité des entreprises françaises à servir leurs clients et se répercuteront sur leur chiffre d’affaires. En outre, les groupes français présents en Russie vont subir une dégradation de leur cash-flow et de leur capacité d’investissement”, prévoit Germain Terreaux. Après l’abasourdissement, un effort de projection s’impose pour construire un modèle économique moins dépendant et perméable aux aléas des marchés mondiaux, plus robuste et protecteur pour nos agriculteurs, nos industries, nos commerces et les consommateurs.
Préserver le pouvoir d’achat
Face à la hausse des prix, il est de plus en plus difficile, pour les distributeurs, d’endosser leur rôle de défenseur du pouvoir d’achat. Selon Emmanuel Cannes, Client Business Partner chez Nielsen, plus de 65 % des catégories de produits vendus en grande distribution suivies par l’observateur sont inflationnistes. “Début mars, comparé à début septembre, de nombreuses catégories affichaient 2 à 3 % de hausses”, indique-t-il. Les essuie-tout (+ 3,1 %), les fruits et légumes reconditionnés (+ 3,2 %), les légumes en conserve (+ 2,7 %) et secs (+5,2 %), les huiles (+ 3,2 %) et les pâtes, toujours (+ 43 %), sont les plus impactés. En février, l’ensemble des produits enregistrait une hausse de 0,5 % qui devrait s’établir à 1,4 % à fin mars. “Nous tablons sur une hausse de 4 %, tout produit confondu, d’ici la fin de l’année”, annonce l’expert. Le taux de promotions qui avait atteint son niveau le plus élevé à dix