Après l’engouement des dernières années, le marché du bio s’essouffle ou, plutôt, cherche un second souffle. Face à l’explosion de l’offre, l’arrivée de nouveaux acteurs, parfois opportunistes, la multiplication des labels et des promesses marketing, la tension sur le pouvoir d’achat portée par la crise sanitaire et les nouvelles attentes des consommateurs qui en découlent, le marché du bio serait-il victime de son succès ? Face au flou des propositions, chacun cherche son bio au risque de se perdre. Aux acteurs de marcher la main dans la main pour faire émerger une offre réinventée qui concilierait, au lieu d’opposer, les différentes approches, entre un bio efficace et attractif au niveau prix, et la bio qui intègre les nécessaires transformations pour porter les valeurs sociales et sociétales historiques des pionniers vers plus de local, de pratiques vertueuses, de produits bons pour l’Homme et la planète. Une difficile équation…
Par Catherine Batteux
Sentez-vous le vent tourner ? Et l’écho du boom de la bio nous revenir en boomerang ? Au risque de nous laisser avec une gueule de bois carabinée, de celles qui nous font regretter le lendemain ce que l’on a pu dire – ou ne pas dire –, faire – ou ne pas faire. Les acteurs de plus en plus nombreux du bio, parfois opportunistes, se renvoient la balle en multipliant les promesses marketing pas toujours sincères, les labels et certifications en tous genres. Les uns s’essayant au bio stricto sensu, et tant mieux ; d’autres surfant sur une offre sans résidus de pesticides mais pas bio ; d’autres encore, souvent les pionniers, renforçant leurs engagements historiques vers une bio augmentée et le revendiquant davantage. Laissant perplexe un consommateur, aux attentes étendues, mais de plus en plus perdu dans cette jungle de propositions qui se veulent vertueuses. En se démocratisant, la bio finirait-elle par adopter les mêmes comportements que les circuits conventionnels ? Pour l’heure, le marché du bio se porte encore très bien, alors même que la crise sanitaire a fait émerger de nouveaux besoins tant chez les fidèles de la bio que des nouveaux consommateurs. “Malgré des prix 70 % plus élevés en moyenne que l’alimentation conventionnelle, les produits bio sont en plein boom” relève Philippe Gattet, directeur d’études Xerfi. Les dépenses des Français en produits alimentaires bio ont augmenté de plus de 13 % par an depuis 2010. Toutefois, depuis un an, le marché du bio tend à décélérer. C’est ce qui ressort de l’étude Biologik’ 2021 de Kantar. Entre 2019 et 2020, le poids de l’alimentaire biologique dans le total des dépenses alimentaires des ménages français s’est stabilisé à hauteur de 5,6 % de PDM après plusieurs années de hausse importante, de l’ordre de +0,7 point en moyenne (source Kantar panel Worldpanel – sur le total PGC-FLS+PFT tous circuits confondus). La croissance en 2020 reste toutefois marquante selon les experts Kantar : +20,60 € en moyenne par acheteur et +380 000 acheteurs recrutés pour atteindre la quasi-totalité des ménages français (taux de pénétration de 98,3 % de l’alimentaire bio). La décélération apparaît, ainsi, comme mécanique et conjoncturelle, et en premier lieu liée à un changement des comportements d’achat : moins de visites en magasin (en lien avec la pandémie) et des paniers plus importants. Autre élément à prendre en compte : les Français ont beaucoup plus dépensé en 2020 pour leur alimentation à domicile “leur donnant une perception, certes erronée, mais bien présente dans leur esprit, de hausse des prix. Or, le prix est le premier frein au développement de leurs achats sur le bio pour 74 % des Français interrogés”, souligne Anne-Sophie Bielak, Senior Knowledge & Insight Manager chez Kantar. Le bio est-il vraiment en capacité de conserver le delta habituel des années passées ?
Léger essoufflement après l’explosion “Depuis 5 ans, nous avons assisté à une explosion du bio. L’augmentation de l’offre, du métrage de linéaire, du nombre de références en magasin a mécaniquement conditionné la croissance du rayon et du bio en général”, souligne Guillaume Hannebicque, directeur des marques alimentaires chez Léa Nature. De nombreuses marques nationales conventionnelles se sont essayées au bio. “Si depuis 2018, le bio avait tendance à contribuer à une hauteur comprise entre 80 et 100 % à la croissance du marché des PGC, elle est retombée à 10 % l’an dernier, du fait de la surperformance des PGC conventionnels avec la crise sanitaire. Nous observons, en parallèle, un vrai tassement de la dynamique des PGC bio des marques conventionnelles qui étaient, ces deux dernières années, en croissance de 40 % et qui retrouvent désormais des niveaux beaucoup plus bas. La crise sanitaire et la tension sur le pouvoir d’achat ont, sans doute, également joué dans la mesure où ces produits ont été moins soutenus en promotion”, ajoute-t-il. Selon les experts Kantar, il est urgent d’agir car les ménages sont moins nombreux à déclarer “vouloir, à l’avenir, acheter plus souvent