L’édition 2021 du Baromètre GreenFlex – Ademe de la consommation responsable révèle à la fois l’ancrage du consommer mieux et l’émergence de plus en plus forte du consommer moins. Avec, à la clé, des leviers d’actions pour les marques afin de regagner la confiance des consommateurs.
La santé, préoccupation majeure
Certes, la crise sanitaire est passée par là. Si la santé se révèle être une des préoccupations majeures des Français (71 %) en 2021, suivie par le bien-être de la famille et des proches (67 %), les enjeux environnementaux ne sont pas oubliés. 70 % des personnes interrogées affirment en être réellement conscientes. Plus en détail, 56 % estiment qu’il est urgent d’agir et 14 % qu’il est trop tard pour agir. Des chiffres en léger recul par rapport à 2019, sans doute sous l’effet du recentrage des consommateurs sur la santé et le bien-être lié à la crise sanitaire.
Changer de modèle de consommation
Pour autant, le contexte hors norme n’a pas ébranlé la remise en cause du modèle de société actuel. “Après plusieurs confinements, on aurait pu penser que les Français allaient se précipiter en magasin ou sur Internet avec une volonté de plus en plus pressante de consommer à tout prix et de reprendre contact avec le monde d’avant. Il n’en est rien. La prise de conscience du besoin d’un nouveau modèle constatée en 2019 s’est confirmée en 2021”, souligne Laure Blondel, directrice conseil en charge des sujets des marques, produits et consommation responsable chez GreenFlex. De fait, 93 % des personnes interrogées considèrent que le modèle économique actuel est à revoir en partie (41 %) ou complètement (52 %). “Le modèle de société n’est plus en phase avec les attentes de citoyens”, ajoute-t-elle. Ils pointent du doigt le manque de repères et de valeurs (82 %). Ils sont 83 % à aspirer à vivre dans une société où la consommation prend moins de place. Et, nouveauté en 2021 par rapport à 2019, 88 % des Français trouvent qu’ils vivent dans une société qui les pousse à acheter sans cesse.
Le consommer mieux se maintient
En 2021, la consommation se fait davantage en conscience. Les Français déclarent modifier leurs habitudes en faveur d’une consommation responsable (72 %) et poursuivent, ainsi, la mobilisation engagée en 2019. Selon le Baromètre GreenFlex – Ademe, 61 % des personnes interrogées se sentent concernées et indiquent avoir changé certaines pratiques au quotidien pour réduire l’impact de leur consommation. Et 11 % de Français déjà engagés déclarent faire tout leur possible pour à la fois réduire l’impact de leur consommation personnelle mais aussi sensibiliser les autres. Ils sont encore 17 % à être indifférents à la démarche. Seuls 7 % des Français affirment être agacés par la démarche et ne pas avoir envie de changer leur façon de consommer. “Cette mobilisation est assez concrète. Les consommateurs ont vraiment intégré des critères environnementaux dans le choix de leurs achats”, remarque Laure Blondel. Ils plébiscitent, par exemple, l’origine des produits (64 %), la réduction des emballages (60 %) et le vrac (44 %) qui opère un vrai virage de fond. Les consommateurs prennent également en compte les critères sociaux et sociétaux : 86 % souhaitent soutenir l’emploi local et 73 % déclarent faire attention à ne pas acheter de marques produites par une entreprise avec laquelle ils ne sont pas en accord sur le comportement et les valeurs. Enfin, et c’est relativement nouveau, les produits durables ont fait leurs preuves en matière d’efficacité. 67 % des personnes interrogées déclarent même acheter des produits durables car ils sont de meilleure qualité. “Le consommer mieux se généralise. Les critères de choix des consommateurs sont de plus en plus affûtés, tant sur les considérations environnementales que sur les enjeux sociaux et sociétaux”, relève Laure Blondel.
Le consommer moins gagne du terrain
Depuis 2006, le Baromètre GreenFlex – Ademe interroge les Français sur leur façon de consommer responsable (un choix de réponse possible). Est-ce consommer autrement (produits éco-labellisés, certifiés éthiques, locaux, moins polluants…) ? Est-ce ne plus consommer de produits ou de services superflus ? Est-ce réduire sa consommation en général ? “Depuis 2017, on constate que le choix du premier item baisse au profit de la réduction de la consommation en général. Aujourd’hui, les trois propositions se tiennent dans un mouchoir de poche entre 30 % et 33 %”, indique Laure Blondel. Ainsi, les Français veulent consommer mieux, mais aussi moins. D’ailleurs, ils comprennent bien la notion de surconsommation. Pour 35 % d’entre eux, c’est acheter un produit sans se demander si l’on en a besoin ; c’est remplacer des produits que l’on peut encore utiliser par des produits neufs (25 %) ; ou acheter des quantités supérieures à ses besoins (30 %). “Globalement, on constate que la consommation est de plus en plus réfléchie. 82 % des personnes interrogées déclarent se demander de plus en plus si elles ont vraiment besoin d’un produit avant de l’acheter. Et lorsqu’on leur demande ce qu’ils ressentent quand ils cherchent à réduire leur consommation, 61 % répondent de la satisfaction et 17 % de la fierté”, ajoute-t-elle.
La confiance envers les entreprises remonte
Après une chute drastique observée depuis 2010, la confiance accordée aux grandes entreprises remonte doucement : elle était de 58 % en 2004, de 27 % en 2019 et de 31 % en 2021. “C’est pour nous un signal à ne pas négliger. Nous avons le sentiment qu’en s’engageant davantage, cette confiance pourrait continuer à progresser”, insiste Laure Blondel. D’ailleurs, pour 64 % des personnes interrogées, le fait qu’une marque propose des produits durables renforce leur confiance en elle. “Pour répondre aux attentes des consommateurs, les marques doivent recentrer leur offre sur des produits plus sains et plus simples”, ajoute-t-elle. Les Français sont d’ailleurs 87 % à estimer que plutôt que de vouloir innover à tout prix, il faudrait revenir à l’essentiel et au bon sens. “Il y a clairement un rejet de l’innovation pour l’innovation !”, prévient-elle. Au-delà de l’offre de produits ou de services, les consommateurs attendent aussi des entreprises qu’elles s’engagent sur les sujets de société (70 %). Et 8 Français sur 10 estiment que pour avancer sur les sujets environnementaux, il faut aussi réduire les inégalités économiques et sociales. Enfin, le dernier levier identifié est celui de l’accessibilité. La consommation durable est encore perçue comme excessivement chère. Le prix constitue un réel frein à l’achat pour 69 % des personnes déjà inscrites dans la démarche et 64 % pour celles qui voudraient y accéder.
Méthodologie
92 questions sur la consommation responsable
Pour l’édition 2021 du Baromètre GreenFlex – Ademe de la consommation responsable, l’enquête de terrain a été menée par Yougov, via un questionnaire administré en ligne du 9 au 11 mars 2021, sur un échantillon représentatif de 1 008 personnes. Cette année, l’étude a intégré une partie thématique sur la publicité. Le volet barométrique, quant à lui, comporte des questions historiques posées depuis plus de 10 ans et d’autres qui viennent enrichir le questionnaire pour s’adapter aux évolutions de la société. Au total, 92 questions ont été posées. Le volet barométrique interroge les citoyens sur leurs perceptions du modèle actuel de société. Il analyse également les attitudes et engagements des Français en faveur de la consommation responsable et cherche à comprendre les leviers d’actions pour intégrer les nouvelles attentes des consommateurs.
Publicité
En rupture de confiance
Depuis 2004, le baromètre GreenFlex – Ademe interroge le rapport des Français à la consommation et à la société. Cette année, il s’est enrichi d’une partie consacrée à la publicité. L’occasion de mieux comprendre la relation entre les consommateurs, les marques et leur communication. “Clairement, une rupture très forte s’est opérée entre les publicités des marques et les consommateurs. La publicité est perçue comme omniprésente, manipulatrice, trompeuse, répétitive nous ont répondu les consommateurs dans des questions ouvertes”, souligne Laure Blondel, directrice conseil en charge des sujets des marques, produits et consommation responsable chez GreenFlex. D’ailleurs, à la question : Qu’est-ce qui vous plaît dans la publicité ? La première réponse est : “rien”. Viennent ensuite des items plutôt négatifs. 81 % la trouvent trop présente. 88 % estiment que la publicité utilise des techniques pour inciter à consommer toujours plus. Le Baromètre s’est ensuite attaché à savoir si les Français étaient au courant et satisfaits de la communication des marques sur leurs engagements sociétaux et environnementaux. “Communiquer sur ses engagements ne suffit plus, les consommateurs (80 %) attendent des preuves tangibles. Les marques ont réalisé d’énormes efforts ces derniers mois, à la fois pour prendre des engagements et les communiquer. Mais attention au greenwashing. Seuls 20 % des consommateurs sont convaincus par ce type de communication et font confiance aux marques. 49,5 % ont besoin de preuves supplémentaires et 30,5 % n’y croient pas du tout, estimant que c’est une technique pour vendre plus”, alerte-t-elle.
Un levier de sincérité et de transparence
Ainsi, pour regagner la confiance des consommateurs, la publicité doit accompagner le consommer moins et mieux, notamment en éclairant le choix des consommateurs. “L’information utile doit être replacée au cœur du message. La publicité doit, aussi, revisiter les normes sociales et mettre en avant des produits responsables”, souligne Laure Blondel. La demande est ainsi très forte sur la traçabilité des produits alimentaires, les pratiques agricoles respectueuses de la planète, les conseils sur les gestes et pratiques éco-responsables pour encourager les consommateurs à adopter des comportements durables, les conseils pour mieux utiliser le produit afin de le faire durer plus longtemps, la mise en avant de produits durables… “La publicité pourrait devenir vectrice de bonnes pratiques et a un rôle extrêmement fort à jouer”, conclut-elle.
Pour Charles Kloboukoff, président fondateur de Léa Nature, “la publicité doit être un levier de sincérité et de transparence. Or, elle a plutôt été une arme concurrentielle pour marquer sa différence, non pas à un objectif mais par rapport à un marché”. Le groupe Léa Nature s’est donc inscrit donc dans une démarche de valorisation. La première étape a été de renoncer à la publicité pendant de nombreuses années. Puis l’entreprise a mis sur pied une campagne qui raconte son histoire, ses valeurs, ses objectifs, en transparence. “Cela nous a conduits à communiquer d’abord sur la sincérité de notre démarche et, ensuite, sur tout ce qu’il y a autour des produits, comme le transport ou les emballages, explique-t-il. Nous voulions sortir de cette communication autour de la notion d’engagement qui est devenue, finalement, très populaire et un petit peu galvaudée, pour aller sur des éléments de preuves”. Par exemple, avec Jardin Bio Etic, le groupe a fait basculer la marque dans un lexique de 50 preuves affichées dans la presse, de l’écoconception des produits à la suppression du plastique ou des voitures diesel, en passant par la relocalisation, la construction d’usines en France, la création de filières, la proportion de produits équitables… “Ce sont des faits concrets. Évidemment, il faut accepter une dose d’humilité. Quel que soit le chemin que suit une entreprise, il sera parsemé d’erreurs et d’imperfections, notamment à chaque fois qu’elle essaiera de muter pour améliorer ses impacts sociaux, sociétaux ou environnementaux. Ce qui est important, c’est de ne plus considérer la publicité comme une arme de différenciation mais comme un langage de sincérité et de transparence. On n’achète pas un produit, on achète une organisation, une intention, des preuves, des impacts sur la planète… mais aussi pour son propre plaisir. Il ne s’agit pas de réinventer une histoire via la communication, mais d’être le prolongement de ce que l’entreprise écrit à travers ses produits, ses hommes et ses femmes”, conclut Charles Kloboukoff.