Alors que les magasins dits “non essentiels” ont rempilé pour une deuxième quinzaine de confinement qui s’achèvera, peut-être, le 27 novembre prochain, la notion de proximité n’a jamais semblé être si présente dans le cœur des Français. Très vite, le combat des librairies, des fleuristes, des coiffeurs et des marchands de jouets est devenu celui des consommateurs. Aussi, malgré le confinement, 2/3 des Français se disent prêts à soutenir le commerce local pour les fêtes de fin d’année, selon Criteo. Des déclarations d’intention qui ne se concrétisent pas toujours en actes. En effet, qui n’a jamais commandé un roman ou un jeu de Mikado sur Amazon ? Il est d’autant plus difficile de résister à la facilité du e-commerce qu’il devient impossible de se rendre en magasin.
Attendre la réouverture des commerces plutôt que de se ruer sur Internet, comme le préconisait le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, se révèle plus compliqué qu’il n’y paraît. La récente fronde des élus contre le Black Friday, la plus grosse opération promotionnelle de l’année sur le web organisée le dernier vendredi de novembre, relève plus de la posture intellectuelle que d’un véritable engagement. D’abord parce que le droit – français comme européen – ne le permet pas, ensuite parce que les consommateurs, tout attachés qu’ils soient à leurs commerçants de quartier, sont demandeurs de ce genre d’événements. Comme le révèle un sondage mené par Channable, société spécialisée dans la gestion de flux et l’automatisation SEA, 72 % des Français espèrent profiter du Black Friday et pour cela, 76 % iront sur des plateformes de type Amazon ou Cdiscount, contre 42 % qui privilégieront le site e-commerce des marques.
L’éternel paradoxe du client qui aspire à une consommation locale, responsable et durable se heurte, encore une fois, à un mode de vie toujours plus imprégné par le digital. Mais plutôt que de faire jouer, une énième fois, la corde de l’opposition entre les commerces, voyons-y une évolution nécessaire, si ce n’est vitale, du magasin physique. Le choc du premier confinement a accéléré la transition digitale des points de vente. Le second confinement est un test à grande échelle de la multi-canalité tant annoncée mais jamais vraiment assumée. Le click and collect s’est généralisé et même s’il ne suffira pas à combler les pertes des ventes non-réalisées en magasin, il permet, malgré tout, aux enseignes de continuer à exister et de poursuivre leur activité. Il est, dans tous les cas, le signe du sursaut des enseignes et de leur capacité à s’adapter.
Bien sûr, cet équilibre reste fragile et ne saurait se prolonger plus longtemps. Une réouverture imminente de tous les commerces est plus qu’attendue par le secteur. “Ouvrir ou mourir, il faut choisir”, annonce le Conseil du Commerce de France, faisant état des pertes accumulées par les commerçants actuellement fermés : 8,9 Mds€ de chiffre d’affaires en novembre, 12,3 Mds€ en décembre et le risque de fermer plus de 20 000 points de vente, entraînant la suppression de 95 500 salariés. En autorisant un lever de rideau dès le 27 novembre, le gouvernement permettrait aux Français de réaliser leurs achats de Noël dans de meilleures conditions (sans risque de rupture de stocks ou de saturation des flux). Il laisserait surtout aux points de vente physique la possibilité de participer, eux aussi, au fameux Black Friday et d’entrevoir, enfin, de la lumière au bout du tunnel.
Francis Luzin, Directeur de la publication