Ils ne représentent que 2,5 % du marché alimentaire (soit environ 1,6 million de personnes, selon Xerfi) et pourtant, les végétariens et les végans font parler d’eux. Beaucoup. Des prises de parole publiques, portées par les associations telles que L214 qui a récemment organisé, à Clermont-Ferrand, une “Vegan place” destinée à proposer un mode de vie respectueux des animaux, de la santé et de la planète, aux actions plus extrêmes (deux militants végans ont été condamnés à 6 et 10 mois de prison ferme après avoir dégradé une quinzaine de commerces, boucheries ou restaurants à Lille), cette consommation marginale occupe une place de plus en plus importante dans le retail.
En 2018, les produits veggie ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 24 %, à 380 M€, dans les GMS. Xerfi prévoit une progression annuelle moyenne de 17 % du marché de l’alimentation végétarienne et végane dans la grande distribution, avec un chiffre d’affaires qui dépasserait les 600 M€… De quoi faire rêver les distributeurs en panne de croissance. Pas étonnant, alors, que les GSA se soient emparées du marché. Casino, via son enseigne Naturalia, surfe sur la vague avec son nouveau concept Naturalia 100 % végan. L’enseigne cible les jeunes consommateurs en lançant une offre spéciale pour les moins de 25 ans, le Pass Vegano, une réduction de 10 % sur tout l’assortiment, tout le temps.
Effet d’aubaine ? Certes, les distributeurs semblent avoir trouvé là un point d’accroche pour séduire une jeune génération plus adepte des Marches pour le Climat que des visites à l’hypermarché. De plus, ce positionnement végétarien tend à faire oublier les scandales alimentaires qui ont entaché la réputation de la grande distribution et de l’industrie agroalimentaire. Voyant les Français progressivement se détacher des protéines animales au profit des végétales, marques et enseignes y ont vu la naissance d’un nouveau segment lucratif. En 2015, Carrefour lançait sa gamme “Carrefour Veggie”, puis les grands industriels comme Danone, Nestlé ou Fleury Michon lui ont emboîté le pas. Même Burger King, le chantre de la junk food a décliné son célèbre Whooper en burger végan à base de soja et de blé, rebaptisé “Incredible Burger”.
Si, pour ces marques, le marché végan offre un bel exercice de diversification, attention, toutefois, aux effets de mode. Car rien n’est plus versatile qu’un consommateur, surtout lorsque l’acte de consommation est radical. Le revirement de certains gourous du véganisme – comme le sportif américain Tim Shieff – qui renouent avec des régimes alimentaires carnés, semble donner raison à Xerfi. L’institut anticipe un essoufflement progressif du marché de l’alimentation végétarienne et végane au-delà de 2021. En cause : des barrières culturelles de taille au tout végétal. Il table plutôt sur la montée en puissance du flexitarisme (moins de viande au profit des végétaux) qui représente déjà un tiers de la population, comme moteur des marchés végétariens.
Et pour les consommateurs qui n’ont pas envie de sacrifier leurs habitudes alimentaires (et parfois leur santé) sur l’autel de leurs principes, il est aussi possible d’être végan ailleurs que dans son assiette. C’est ainsi qu’Unilever a lancé en France sa nouvelle marque végan “Love Beauty and Planet” et que l’enseigne suédoise Hema s’est développée dans la cosmétique naturelle. Un segment non alimentaire qui cristallise moins de passions que l’alimentation et qui allie à la fois engagement écologique, bien-être animal et santé. C’est sans doute le levier le plus pérenne et prometteur de ces consommations alternatives. Et du moins, le moins clivant.
Francis Luzin, Directeur de la publication
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