L’incertitude gouverne. Après un affaissement de l’activité au printemps, et une reprise économique plus conséquente que prévu cet été, l’automne s’annonce pluvieux et instable. La pandémie reprend. Et le flot de mesures pour endiguer la propagation du virus dans les métropoles changeant tous les 15 jours apporte encore davantage son lot d’incertitudes. D’autant que les dernières estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) misent sur une chute du PIB de 9 % cette année avant un rebond de 7 % en 2021. Difficile de dire ce qu’il se passera entre-temps. Une chose est certaine : de nombreux secteurs risquent, à nouveau, de traverser une période compliquée à gérer.
D’ores et déjà, les acteurs de la distribution alertent. Après un été florissant avec, parfois, des croissances à deux chiffres, l’activité ralentit fortement. La fréquentation des magasins a fléchi depuis la rentrée. Celle des grands sites connaît des difficultés. Tout comme certaines artères des grandes métropoles. À Paris – vidée de ses touristes habituels –, la rue de Rivoli enregistre une baisse d’activité de 40 % depuis le début de la pandémie. L’ouverture de La Samaritaine est reportée au printemps 2021. Dans le secteur de la mode et de l’habillement, les chiffres se sont dégradés après le souffle porté par l’équipement des enfants et adolescents pour la rentrée scolaire. La multiplication des annonces gouvernementales rejaillit sur l’inquiétude et le comportement des consommateurs. Ajoutant encore de l’incertitude du côté des commerçants.
Si les acteurs de la distribution sont conscients que le gouvernement ne peut prévoir les aléas de la situation sanitaire, ils souffrent d’un manque d’anticipation dans les décisions qui les empêchent de gérer stocks et commandes. Ils appellent de leurs vœux une meilleure communication afin de connaître, plusieurs jours en amont, les mesures envisagées – même négatives – et pouvoir s’organiser collectivement. Une inquiétude d’autant plus vive que les commerçants abordent la période cruciale de fin d’année.
En attendant, les discussions vont bon train entre bailleurs et locataires sur les reports de loyer actés dans une charte signée en juin dernier. Reste que les durées d’engagement habituelles sont devenues très compliquées à obtenir en raison du climat d’incertitude des mois, voire années, à venir. À court terme, le bail commercial classique 3-6-9 peut laisser la place à la location temporaire, ou pop-up store, dont la durée légale ne peut excéder 3 mois. Ces baux dérogatoires représentent, traditionnellement, une opportunité pour les marques de tester un marché à moindre coût et, pour les bailleurs, permet d’éviter une vacance locative. Un phénomène qui pourrait, toutefois, s’inscrire dans la durée. C’est notamment le cas pour les DNVB, ces marques digitales nées en ligne, qui poursuivent l’augmentation de leur présence physique en développant des concepts dans les centres-villes, via des contrats éphémères environ 50 % moins chers que les baux traditionnels. À tel point que face à la demande qui s’accroît, des services clés en mains sont créés par des spécialistes de l’immobilier commercial afin de dénicher l’endroit idéal pour ces marques digitales et opérer un réaménagement éclair. Certains testent même de grands espaces dédiés aux DNVB regroupant une dizaine de marques.
Un commerce résilient conjugué à une envie de consommer différente qui pourrait changer la donne. D’ores et déjà, les Français commencent leurs achats de Noël. Sans doute par précaution pour éviter encore davantage la cohue cette année dans les magasins. Mais aussi en regard des difficultés d’approvisionnement des points de vente et des délais de livraison allongés rencontrés pendant la période de confinement. De quoi, sans doute, lisser l’activité des acteurs de la distribution. Selon le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), l’épargne de précaution constituée pendant la crise (75 milliards d’euros selon Bercy), devrait générer un regain de consommation jusqu’aux fêtes de fin d’année, laissant espérer un niveau d’activité équivalent à celui de 2019.
Francis Luzin, Directeur de la publication