Confinement, déconfinement, couvre-feu, distanciation sociale, masque, télétravail… Qui pouvait, il y a tout juste un an, imaginer que ces mots allaient entrer dans nos vies, rythmer notre quotidien, laisser une empreinte durable sur nos comportements ? Qui pouvait soupçonner que des pans entiers de l’économie soient stoppés net, dictant une frontière jusque-là impensable entre ce qu’il est désormais convenu d’appeler les commerces essentiels et ceux qui ne le sont pas ? Et avec elle, toute une frange de l’activité contrainte par des fermetures, comme les bars et restaurants, les cinémas, théâtres et musées, les commerces non alimentaires et les centres commerciaux de plus de 20 000 m2… laissant des secteurs de l’économie exsangues et des Français fragilisés par la crise sanitaire et la crise économique qui en a découlé. Selon une étude Nielsen, seuls 24 % d’entre eux se sentent préservés et continuent de consommer comme auparavant. Les autres sont soit prudents sur leurs dépenses, soit contraints d’être plus attentifs à leur façon de consommer, en proie à des baisses de revenus, effectives ou à venir. Le pouvoir d’achat sera l’un des éléments déterminants en 2021.
Pour autant, la crise a fait les beaux jours de la grande consommation avec une année exceptionnelle et un chiffre d’affaires en hausse de +6,3 %, tous circuits confondus. Du jamais vu depuis plus de 15 ans ! Une hausse essentiellement réalisée en GMS (près de 7 Mds€ de CA PGC-FLS générés) avec, notamment, un report du CHR estimé à 60 % de la croissance ! Confinement, télétravail, fermetures des bars et restaurants, multiplication des repas pris à domicile sont autant de facteurs qui ont contribué à cette envolée. L’assortiment, boosté pendant le premier confinement afin de pouvoir assurer de potentielles surconsommations, a fini par se tasser en milieu d’année, notamment sous l’effet du lancement retardé des innovations qui, habituellement, sont mises sur le marché au printemps et sont finalement arrivées en juin/juillet. Au final, l’assortiment ressort à -0,3 %, bien loin des taux de croissance importants enregistrés ces dernières années. Sous l’effet de la crise sanitaire et des nouveaux enjeux de consommation, l’optimisation de l’assortiment l’emporte désormais sur sa croissance.
De fait, les Français ont consommé différemment, faisant la part belle aux produits stockables et au fait-maison. Les rayons surgelés et l’épicerie sont ceux qui ont le plus progressé. Mais la catégorie qui a le plus contribué à la croissance des PGC est toute nouvelle : celle des masques, à hauteur de 6 %, pour un CA de 500 M€. Les consommateurs ont aussi montré une volonté marquée de se rendre moins souvent en magasin, afin d’être moins exposés au coronavirus. Les courses sont ainsi davantage prévues, organisées, laissant moins de place à la flânerie, à l’achat d’impulsion. Enfin, le contexte sanitaire a participé à l’envolée des solutions de click & collect, de livraisons à domicile, du drive, jugées plus sécurisantes, mais dissociant complètement les circuits. Ainsi, en reportant la partie contrainte des courses sur des circuits efficaces, les consommateurs attendent encore plus que le point de vente soit un espace privilégié de contact avec les produits et les vendeurs, un espace proposant une expérience attractive et différenciante. C’est tout l’enjeu du magasin de demain qui devra composer avec une optimisation des assortiments, une accessibilité par le prix et une adaptation aux nouvelles tendances de consommation nées de la crise sanitaire et qui s’inscrivent dans la durée. Les réflexions se portent sur une certaine hybridation des concepts où les nouvelles technologies digitales ou online permettront aux points de vente de demain d’évoluer vers un modèle résolument omnicanal.
Francis Luzin, Directeur de la publication