Impossible de les manquer. Cajoo, Gorillas, Flink, Getir, Gopuff… des noms qui fleurissent de toutes parts, à grands coups de campagnes d’affichage dans le métro, sur les sacs et les vêtements de livreurs à vélo qui sillonnent les centres-villes. Ces startups de la livraison ultra-rapide de courses à domicile ont, pour la plupart, débarqué en France en 2021, surfant sur la crise sanitaire qui a profondément modifié les comportements d’achat des consommateurs, en attente de livraisons toujours plus rapides.
Ces licornes d’origine française, allemande, turque, britannique, américaine ou russe, spécialistes de ce que l’on nomme, désormais, le quick commerce, ont su intéresser les investisseurs en un temps record. On parle de 3 milliards d’euros de fonds levés en 2021 pour les seules startups actives en France. Avec une promesse de service qui fait mouche : livrer en moins de 15 mn des produits du quotidien (2 000 références, en moyenne). Pour y parvenir, elles s’appuient sur une multitude de dark stores, ces magasins fermés au public mais organisés comme de véritables supermarchés, dans lesquels les livreurs à vélo électrique ou en scooter viennent s’approvisionner. Et pour que l’équation soit rentable, ces mini entrepôts, de 200 à 400 m2 doivent être situés à moins de 2 km du lieu de livraison. Un maillage du territoire essentiel qui n’est pas sans poser de problèmes en matière d’aménagement de l’espace urbain. La Mairie de Paris vient, d’ailleurs, de demander la fermeture de 45 dark stores ouverts illégalement, c’est-à-dire sans que les acteurs n’aient déposé de déclaration préalable pour la conversion de locaux commerciaux en entrepôts.
Une course folle aux délais de livraison et au maillage territorial qui poussent les distributeurs traditionnels à revoir leur copie en matière de stratégies de e-commerce alimentaire. Alliances, acquisitions et prises de participation se succèdent à un rythme qui donne le tournis, chaque acteur se positionnant afin d’accélérer, sur le terrain, la mise en place de nouvelles formes de livraisons, en parallèle de leurs parcs de drive et de retrait. Carrefour a pris une participation minoritaire dans Cajoo qui est aussi associée au service Carrefour Sprint du distributeur aux côtés de Uber Eats. L’enseigne a également mis sur pied un partenariat avec Deliveroo puis avec l’Italien Everli. De son côté, Casino, déjà partenaire d’Amazon depuis 2018, et de Uber Eats depuis 2020 a signé un accord stratégique avec Gorillas qui, lui-même, vient de racheter Frichti. Une frénésie d’accords et de rapprochements qui devrait se poursuivre afin d’élargir au maximum les assortiments proposés.
Reste à pérenniser le modèle dont beaucoup se demandent s’il est rentable, en particulier avec l’afflux constant de nouveaux acteurs sur le marché qui s’accompagne, logiquement, de campagnes de promotions relativement agressives. Il faudra, notamment, trouver la bonne équation pour absorber les coûts de livraison. Un équilibre difficile à trouver, d’autant que les consommateurs ne sont pas forcément prêts à en payer le prix (qui aujourd’hui tourne autour de 2 euros maximum quelle que soit le montant de la commande). On peut aussi imaginer que la nécessaire optimisation de la supply chain ne sera possible pour ces startups qu’en s’adossant à des grands distributeurs. Avec, probablement, au final de cette course au temps, un mouvement de consolidation. Quasi inévitable sur des marchés où les stratégies de volumes priment.
Francis Luzin
Directeur de la publication