Les chiffres sont éloquents. La situation urgente. Quelque 400 Mt de plastique sont produites chaque année dans le monde. Plus de 8 Mt finissent dans les océans, soit l’équivalent, chaque minute, d’un camion poubelle déversé en mer. Sur les 5 Mt d’emballages ménagers utilisés en France, seules 70 % sont recyclées. 12 % de Français ne trient jamais. Si rien n’est fait, en 2050, il y a aura plus de plastiques dans les océans que de poissons, en poids.
Désormais, sous la pression conjuguée de l’appareil législatif et des attentes renforcées des consommateurs sensibles aux problématiques environnementales et de développement durable, les lignes bougent. Depuis deux ans, les entreprises s’engagent et mettent en place des stratégies d’innovation. Une nouvelle économie circulaire du plastique est en route avec des actions simultanées sur tous les fronts. Il faut, à la fois, éliminer les plastiques superflus, innover pour que les matières deviennent réutilisables, moderniser les filières de recyclage, faciliter les gestes de tri et favoriser l’éco-conception. Dans un monde où les emballages en plastique sont omniprésents, où les lancements de produits sont multiples, où le développement et la mise sur le marché de nouveaux matériaux et formats d’emballage sur l’ensemble des chaînes mondiales de distribution et d’approvisionnement sont beaucoup plus rapides que la conception et le déploiement de systèmes de collectes et d’infrastructures de traitement après usage, le défi est immense. Industriels et distributeurs vont devoir réinventer leur business model. Et chacun d’entre nous s’adapter à de nouveaux modes de consommation et de respect des consignes de tri.
Le chantier est complexe, tant il faut agir sur plusieurs leviers en parallèle. Face aux enjeux, les entreprises déploient des trésors de créativité afin de répondre, notamment, à l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici à 2025. Des initiatives de plus en plus matures, structurées et parfois collectives se mettent en place, avec l’accompagnement d’organismes comme Citeo qui coordonne toute la filière de fin de vie des emballages ménagers. Un soutien vital pour identifier les meilleures innovations et lever les freins qui viennent entraver la dynamique. Car, en la matière, une des priorités vise à assurer la continuité de la sécurité alimentaire, le plastique jouant un rôle de barrière sanitaire de protection et de conservation des aliments. Certaines alternatives, comme les barquettes en bois, par exemple, conservent souvent une couche de plastique pour assurer cette fonctionnalité. Se pose aussi la problématique de la qualité, parfois amoindrie, des plastiques recyclés qui, alors, ne peuvent être intégrés dans n’importe quel type de produit. Les recherches s’intensifient pour, à la fois, simplifier au maximum la composition des plastiques utilisés et développer de nouvelles filières basées sur des technologies innovantes comme la chromatogénie, le recyclage chimique ou la pyrolyse.
Enfin, des alternatives visent plutôt à changer les modes de consommation. À l’image du réemploi, un sujet émergent qui devrait s’accélérer : consignes, mises à disposition d’emballages réutilisables par les distributeurs (Franprix et SolZero pour le projet Darwin) qui sont ensuite récupérés, lavés et remis à la consommation ; contenants réutilisables récupérés et remplis à nouveau par les producteurs (projet Loop)… Car au-delà de limiter l’usage unique d’emballages plastiques, il s’agit de repenser globalement nos modes de consommation. Une nouvelle économie du plastique est en route, porteuse d’innovations.
Francis Luzin, Directeur de la publication