C’est l’une des grandes ambitions du gouvernement. Le plan « France 2030 », doté de 54 milliards d’euros déployés sur 5 ans, entend développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir. Après les pénuries subies durant la pandémie de Covid-19, la réindustrialisation s’est imposée comme un sujet d’État, tout comme la notion de souveraineté alimentaire et industrielle. Pourtant, si la volonté est bien là, les freins demeurent pour que le développement du Made in France s’accélère, freiné par l’inflation, la crise du pouvoir d’achat mais également des fournisseurs et sous-traitants pas toujours au rendez-vous de la production tricolore.
Le virage à 360 degrés du Slip Français en témoigne. Pour pouvoir écouler sa marchandise d’ici la fin de l’année, la marque a divisé ses prix par deux, simplifié le design et l’emballage. Une opération commerciale inédite sur un marché où l’argument « premium » prévaut, qui traduit la complexité à mettre en place une véritable chaîne de valeur sur le long terme. Et pour cause : sur un marché textile phagocyté par les poids lourds Vinted, Shein ou encore Temu, tous étrangers, le Made in France a du mal à trouver ses marques. Selon une enquête menée par le réseau des Chambres de Commerce et de l’Industrie en octobre 2023, 89 % des personnes interrogées assuraient vouloir consommer plus de produits fabriqués dans l’Hexagone mais 67 % affirmaient que l’inflation a un impact sur leurs décisions d’achat. Le prix reste le premier frein à l’achat de la « Mode in France ».
Autre enjeu, de taille, la réappropriation des savoir-faire. Après des années de désindustrialisation massive, les entreprises qui veulent produire 100 % Français se heurtent trop souvent au manque de compétences et de formation techniques. Le groupe Naturopera, fabricant de couches-culottes, par exemple, a mis quatre ans pour réapprendre à faire fonctionner des machines depuis longtemps inutilisées. Idem pour les métiers de la chaudronnerie ou métallerie, pour les marques de vaisselle. À cela, s’ajoute la difficulté de trouver des matières premières à un coût abordable pour que l’équation économique reste viable. La reconstruction de filières industrielles est un chantier de longue haleine, qui demande la confiance des prestataires, fournisseurs et investisseurs. Et, aussi, une volonté continue des consommateurs à ne pas sacrifier la qualité et l’origine des produits au prix.
C’est là où les distributeurs entrent dans la course en valorisant les produits issus des circuits courts grâce à des mises en avant, une information (notamment grâce à l’étiquetage) et un merchandising adapté. L’entreprise Pulpe de Vie, spécialisée dans les cosmétiques bio et naturels conçus à partir de fruits et légumes invendus achetés à des producteurs locaux, a ainsi reçu un accueil très favorable de la grande distribution qui représente, aujourd’hui, 80 % du chiffre d’affaires de la jeune marque. Il faut dire que l’entreprise cumule les qualités : au Made in France, elle allie les arguments prix, efficacité du produit et santé-naturalité. En sus, elle « sauve » près de cinq tonnes d’invendus alimentaire. Une démarche qui fait écho aux préoccupations environnementales et de lutte contre le gaspillage, de plus en plus présentes. Comme si, pour se déployer à grande échelle, l’origine France devait se parer d’autres atours afin de rendre son surcoût justifiable aux yeux des consommateurs. Tout reste à inventer.