Évidemment, il en est convaincu. Pour Mark Zuckerberg, le patron de Meta, le prochain chapitre d’Internet est en train de s’écrire et le métavers devrait toucher un milliard de personnes d’ici dix ans. La course est lancée : il ne se passe pas un seul jour sans qu’une annonce d’investissement, ici ou là, ne vienne étayer ce que seront les futurs géants du Web3. Qu’il s’agisse des pionniers issus du gaming (Fortnite, Roblox…), des plateformes décentralisées (Decentraland, The Sandbox…), du chinois Baidu, du Sud-Coréen Zepeto ou encore de Facebook qui a récemment changé de nom pour Meta, affirmant au passage sa nouvelle vision stratégique, tous ont en commun la volonté d’attirer les plus jeunes, ces générations Z ou alpha, si complexes. Avec l’avènement des cryptomonnaies, de la blockchain, des NFT’s, on y recrute pour fidéliser de futurs consommateurs dans le monde réel, tout en leur vendant, dès à présent, des biens virtuels, parfois même plus chers que dans la vie réelle. Si le secteur du luxe a été le premier à tester le métavers, désormais, de nombreuses marques lui ont emboîté le pas, comme Nike, Coca-Cola, adidas Originals ou Carrefour… Avec l’ambition de créer des expériences immersives et engageantes, sans contraintes des lois physiques du monde réel, des expériences où la créativité est illimitée.
Dans ce futur proche, un casque de réalité virtuelle sur la tête, on pourra se “téléporter” dans ces univers virtuels 3D temps réel, interconnectés, immersifs et collaboratifs sous forme d’avatar (puis, à terme, d’hologramme) pour se retrouver instantanément au bureau sans se déplacer, à un concert avec des amis, dans le salon de proches, en réunion autour d’un projet, dans le flagship virtuel d’une enseigne ou d’une marque… On pourra apprendre, travailler, jouer, créer, faire du sport, du shopping et vivre des expériences complètement nouvelles qui ne correspondent pas encore à notre façon de penser. De quoi créer une connexion émotionnelle forte pour susciter de l’engagement. L’utilisateur ne se contentera pas de regarder l’expérience, il en fera partie.
Pour le retail, les applications du métavers sont multiples. En amont, il permet de concevoir des produits, de simuler l’agencement de magasins, d’optimiser le merchandising, la logistique, de simuler des flux… En aval, les limites sont celles de l’imagination : lancement de produits ou de collection en s’appuyant sur un concert virtuel ou sur la création d’un univers onirique à l’image des valeurs de la marque pour susciter du buzz, créer du lien et de l’engagement ; achat de parcelle virtuelle pour développer un magasin virtuel ; vente de produits virtuels ; test et validation d’un concept, d’un design avant de le décliner IRL… En juillet, Carrefour a réalisé une incursion pédagogique dans Fortnite en créant une map dédiée à son engagement autour du Mieux Manger, où les joueurs gagnaient de la vie en mangeant bien. Et l’enseigne vient juste d’acquérir une parcelle virtuelle sur The Sandbox.
Avant Noël, adidas Originals a créé une collection d’une trentaine de NFT’s sur la même plateforme. En quelques heures, plus de 30 000 NFT’s ont été vendus pour un montant de 23 M$. Puma s’est associé à The Fabricant, une maison de couture hollandaise exclusivement numérique, pour explorer des technologies plus durables afin de lancer sa collection capsule à faible impact Day Zero. Et Nike a lancé, en novembre dernier, son monde virtuel sur mesure, Nikeland, sur Roblox, un espace pour se connecter, créer des mini-jeux, partager des expériences, rivaliser et… a transféré l’expérience virtuelle dans le monde réel dans sa maison de l’innovation à New York.
Demain, le métavers devra être régulable et régulé. Pour libérer son potentiel, l’interopérabilité devra être assurée pour que l’expérience des utilisateurs soit fluide, autrement dit, pour que l’on puisse passer d’un Fornite à un Decentraland, puis un Meta sans avoir à se reconnecter et en pouvant emmener ses attributs virtuels d’un métavers à l’autre. Un enjeu de taille pour les géants du futur Web3, d’autant que, pour l’heure, les acteurs ne sont pas encore au complet. Les grandes manœuvres ne font que commencer. Mais l’on sait déjà que le retail et, plus globalement, notre façon d’être au monde sera complètement bouleversée.
Francis Luzin, Directeur de la publication