Le 21 juin a été une journée particulière. Jour le plus long de l’année, le solstice d’été annonçait, comme chaque année, l’entrée dans la saison estivale mais également l’arrivée d’une nouvelle ère de liberté tant espérée. Bas les masques, les Français respirent à nouveau, dans leur vie quotidienne comme dans leur façon de consommer. Depuis la réouverture des commerces non essentiels et des centres commerciaux, le 19 mai dernier, les terrasses ne désemplissent pas, les paniers se remplissent et les cartes bleues reprennent du service. C’est un “ouf” de soulagement pour les commerçants, notamment dans le secteur du prêt-à-porter, qui voyaient leurs stocks s’accumuler depuis des mois. L’été devrait être une saison de rattrapage dont le coup d’envoi sera lancé par les soldes, le 30 juin prochain. Un premier “test” qui révélera, si oui ou non, les Français ont vraiment renoué avec leurs réflexes d’avant-crise. “L’été va être décisif pour confirmer la dynamique de reprise qui s’est amorcée”, affirme Gontran Thüring, délégué général du CNCC.
Car derrière l’euphorie des virées shopping retrouvées, se dessine un commerce ébranlé par une crise sanitaire et économique sans précédent. Si les faillites d’entreprises n’ont pas été aussi nombreuses qu’attendu, les valeurs de l’immobilier commercial dévissent, de façon générale, à -20 % en 2020. Galeries marchandes et centres commerciaux ont été les principales victimes des dévaluations d’actifs. Plus enclins à la vacance, frappés par les fermetures administratives durant la pandémie et, pour certains, déjà fragilisés par une rentabilité vacillante, ces actifs commerciaux font l’objet de corrections. À l’inverse, des secteurs se sont révélés, comme l’alimentaire, l’équipement de la maison ou les accessoires de sport. L’offre explose sur ces segments de marché que les confinements ont rendu essentiels dans la vie quotidienne des consommateurs et c’est tout naturellement que de nouveaux concepts marchands autour du bien-être et de l’art de vivre viennent s’installer en centre-ville et remplacer les enseignes de prêt-à-porter déclinantes. Les crises ont aussi cette vertu de faire naître des opportunités.
Non seulement, la correction des valeurs a permis de rationaliser un marché qui pouvait, sur certaines artères de métropole, atteindre des sommets (plus de 20 000 euros le mètre carré à Paris pour des enseignes de luxe) mais elle a mis fin à des années de course aux mètres carrés. Alors que le e-commerce ne cesse de progresser (+ 15 % en 2020, à 30 milliards d’euros), chaque espace doit désormais être utile et rentable, quitte à céder de la surface de vente au click & collect et à la livraison, voire à des enseignes tiers génératrices de trafic et de volumes. Ce n’est pas un hasard si les opérations de sale and leaseback, qui consistent à ce qu’une marque ou une foncière cède ses murs à un investisseur en contrepartie de cashflow (Decathlon à IREIT Global, Monoprix à AG2R), se multiplient. Le mouvement global qui entraîne le commerce dans une grande mutation implique des fonds propres et du sang neuf. Un renouvellement de l’offre et une capacité à repenser l’existant pour le rendre plus désirable.
En cela, le commerce n’a pas démérité. Voilà une dizaine d’années que les grands acteurs du secteur anticipent le changement. Certes, tous n’avaient pas atteint le même degré de maturité lorsque la crise a éclaté mais la vitesse de réaction et l’agilité dont les enseignes ont su faire preuve, en dépit des contraintes et des difficultés, depuis 18 mois, est à saluer. Les investisseurs, d’ailleurs, ne s’y sont pas trompés. Alors que l’immobilier de bureau, porté aux nues ces dernières années, a subi avec une certaine violence le quasi-arrêt du marché et la sourde révolution du télétravail qui obligent les propriétaires à réviser leurs business plan, l’actif de commerce, lui, résiste, s’adapte et se transforme. Les SCPI, sur le marché de la pierre papier, y retrouvent les rendements que la logistique ne lui fournit plus et les promoteurs rêvent à un immobilier commercial mixte, ouvert sur la ville et la société. Bref, à la faveur de l’été, tous les espoirs sont permis. En attendant le verdict, à la rentrée.
Francis Luzin
Directeur de la publication