En France, l’histoire commence en 1988. Dans un paysage où les circuits de distribution sont extrêmement structurés et hiérarchisés, le hard-discount pose ses premiers jalons et séduit les consommateurs. Aldi et Lidl, dont les modèles ont été éprouvés en Allemagne, attaquent le marché français. Produits vendus à prix très bas, offre restreinte, environnement austère, marketing inexistant… Autant de coûts maîtrisés qui concourent, à l’époque, à un écart de prix de plus de 30 % avec les distributeurs traditionnels.
Sauf qu’en France, contrairement à l’Allemagne ou d’autres pays européens, la résistance s’organise. Frontalement. Les enseignes françaises entrent dans le jeu. Elles étendent leurs gammes de produits premier prix et créent des marques propres. Elles créent des enseignes de hard-discount concurrentes, à l’image de Ed (devenu Dia), Leader Price (créé en 1988 puis racheté en 1997 par Casino), Comptoir des Marchandises (aujourd’hui Netto). Pendant 20 ans, le concept séduit de plus en plus. Jusqu’à son point de bascule, en 2008, avec une part de marché du hard-discount culminant à 14,3 %.
La donne change avec la crise financière mondiale. Sur le marché français, les distributeurs traditionnels ont, jusque-là, bien tenu leurs positions sur les prix bas. Du coup, ce sont, cette fois, les acteurs historiques du hard-discount qui sont obligés de revoir leur copie. Les marques nationales commencent à apparaître dans leurs rayons. Leur communication s’étoffe. Les concepts évoluent : plus de proximité, plus de produits (même du bio), des espaces boucherie, poissonnerie ou traiteur, des machines pour presser du jus d’orange, et toujours des prix. À tel point qu’en 2016, les panélistes abolissent le terme de hard-discount et optent pour l’appellation enseigne/supermarché à dominante marques propres. Les frontières entre les deux modèles s’estompent. Lidl compte 1 500 magasins en France et a dépensé 500 M€ en publicité en 2018, juste devant Leclerc…
Dans ce paysage remodelé où tous les acteurs finissent par se ressembler, le hard-discount disparaît au profit du discount, moins clivant, plus séduisant pour des consommateurs en attente d’achats malins.
Et pourtant, et pourtant…
Un an après avoir jeté l’éponge sur le réseau de hard-discount Dia, Carrefour lance Supeco, un concept présent en Espagne depuis 2012, sorte d’hybride de cash & carry et de discount traditionnel à l’environnement austère privilégiant l’efficacité, avec une offre restreinte de produits, des prix cassés, du déstockage, des coûts de fonctionnement optimisés…
Éternel recommencement.
Francis Luzin, Directeur de la publication