L’annonce est tombée comme un couperet, aussi inattendue que brutale. Vendredi 29 janvier, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la fermeture, dès le samedi à minuit, des commerces non alimentaires de plus de 20 000 mètres carrés, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Soit plus de la moitié des 858 centres commerciaux que compte le territoire français, contraints à restreindre leurs activés aux commerces dits essentiels. Un coup de grâce porté à une filière fragilisée par 10 mois de crise et de “stop-and-go” à répétition. Pour le Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC), le constat est clair : les bailleurs et les quelque 25 000 commerces concernés supportent à eux seuls l’essentiel de l’effort demandé à l’économie. Cette décision “revient à stigmatiser sans raison les galeries commerciales par rapport à d’autres acteurs comparables, comme les retail parks et elle est d’autant plus dommageable qu’elle ne s’accompagne d’aucune mesure de compensation pour les bailleurs exclus du Fonds de Solidarité prévu par les Autorités” souligne Frédéric Merlin, président de la Société des Grands Magasins (SGM).
L’incompréhension des professionnels est d’autant plus grande qu’aucun “cluster” n’a été identifié dans les centres commerciaux depuis le début de la crise. Le CNCC rappelle que les mesures imposées par le gouvernement (jauge, gels hydro-alcooliques, mesures de protection) y ont toujours été strictement mises en œuvre et respectées. Sacrifiés sur l’autel de la pandémie, les centres commerciaux en appellent au “quoi qu’il en coûte” prôné depuis mars 2020 par le Président de la République. Ils réclament la mise en place, sans délai, d’un plan d’aide ambitieux, à la hauteur des enjeux, qui prendrait en charge l’intégralité des loyers et charges dus durant ce troisième confinement des centres commerciaux. Rappelons que les contributions sociales et fiscales du secteur se chiffrent, respectivement, à plus de 3 millions d’emplois et 50 milliards d’euros par an. Dans une France en récession, accusant une chute de 8,3 % de son PIB sur les douze derniers mois, difficile de se passer de ces revenus !
Pour les commerces de plus de 400 mètres carrés, les conditions d’accueil se sont également durcies. La jauge a été fixée à un client pour 10 mètres carrés. En dessous, elle a été maintenue à 8 mètres carrés. Une limitation des flux de clients qui, associée au couvre-feu à 18 heures généralisé depuis le 16 janvier, va nécessairement créer un manque à gagner pour les commerçants. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France anticipe déjà une baisse de 15 % à 20 % de leur chiffre d’affaires. Le bilan annuel des enseignes du commerce spécialisé présenté par Procos corrobore ces prédictions. L’activité magasin du secteur (hors restauration) boucle l’année 2020, à -18 %. L’équipement de la personne ou la beauté-santé enregistrent, respectivement, des reculs de -22,7 % et -22 %. Et si la part du web dans le chiffre d’affaires global a doublé sur l’année en passant de 6 % à 12 %, la croissance des ventes internet n’a compensé que faiblement les pertes de chiffre d’affaires dans les magasins, à raison de 2 % à 3 %, selon les secteurs. Des chiffres qui révèlent que la bascule du retail vers un e-commerce à 100 % n’est pas si imminente.
C’est la preuve, une nouvelle fois, que le magasin physique demeure le poumon du commerce et qu’une salve de fermetures conduira, inexorablement, à l’asphyxie du marché.
Francis Luzin, Directeur de la publication