À quoi ressemblera notre assiette, demain ? C’est à cette question qu’entend répondre, tous les deux ans, le Salon international de l’alimentation (Sial) de Paris, à travers ses quelque 7 000 stands et 130 exposants venant du monde entier pour présenter leurs innovations et best-sellers. Cette année, ce grand rendez-vous de la filière agroalimentaire aura une tonalité particulière : entre inflation et crise énergétique, les enjeux économiques et environnementaux orientent la recherche des entreprises vers des usages et des modes de consommation plus responsables. Face à des ménages pris en étau entre la perte de pouvoir d’achat et l’envie de se nourrir avec des produits de qualité, la profession a besoin d’innover mais d’innover juste et à des prix raisonnables.
Tendance lourde de l’édition 2022 du Sial, le végétal est, sans surprise aucune, à l’honneur. Jadis réservés à une minorité de mangeurs militants, les substituts aux protéines animales se sont largement installés dans les rayons des hypermarchés. Et le marché ne cesse de croître, porté par des investisseurs convaincus que notre alimentation, demain, devra réduire sa part carnée. Les groupes Avril, CapAgro ou encore, Future French Champions, ABC Impact, IDIA Capital Investissement et Grow Forward soutiennent ces innovations, aux côtés d’institutionnels. Crédit Agricole, BNP Paribas, et la Société Générale ont notamment contribué à la levée de fonds de 450 millions d’euros de la start-up Innovafeed, spécialisée dans les insectes comestibles. Idem pour Standing Ovation, qui développe des substituts aux produits fromagers et laitiers, d’origine non animale et sans lactose : la start-up vient de lever 12 millions d’euros auprès de fonds d’investissement internationaux.
Pour autant, il serait simpliste de croire que la viande disparaîtra de nos menus. D’une part, parce que la proportion de végétariens purs et durs ne représente que 2 % à 3 % de la population, de l’autre, parce que l’opposition “steack ou planète”, relayée par le débat médiatique et politique, ne reflète pas la réalité du marché. La filière viande représente, en effet, 12 millions d’hectares et 500 000 emplois en France. La consommation de bœuf n’a baissé que de 1 % au niveau national au premier semestre 2022 et continue d’être distribuée de plus en plus dans les circuits de la restauration, selon la fédération Interbev. En outre, la profession s’est engagée à “verdir” la filière. Depuis l’Accord de Paris sur le climat, elle participe au programme “Life Beef carbone”, piloté par l’Institut de l’élevage et qui a pour objectif de réduire de 15 % en 10 ans l’empreinte carbone de la production de viande de bœuf. Un effort collectif pour enclencher une démarche de sobriété en cohérence avec la stratégie nationale bas carbone.
Preuve que sur le marché alimentaire et ailleurs, il n’y a pas de bons ou de mauvais élèves mais des acteurs qui travaillent à améliorer leur industrie, faire progresser leurs pratiques et à tester de nouvelles alternatives. De plus, tout comme en écologie, les principes de transition et de substitution sont factuellement faux, le capitalisme et l’innovation se fondant sur un principe d’accumulation des énergies et des matières premières rappelle l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz, les scientifiques tablent sur une logique de combinaison entre protéines végétales et animales. Nos assiettes, demain, seront donc plus variées et responsables, sans doute locales, et surtout, elles continueront à nous apporter du plaisir, du goût et de la nouveauté. C’est, en tout cas, le défi à relever pour que l’industrie agroalimentaire française demeure une vitrine mondiale du bien manger.
Directeur de la publication : Francis Luzin