Inspirez, expirez… Dans un climat de tensions et d’escalade de la violence, entre une ouverture du Salon de l’Agriculture chaotique, des distributeurs plus que jamais dans le viseur de l’État et une situation géopolitique au bord de la rupture, le commerce parvient encore à nous apporter une bulle de confort, d’expérience ou de surprise inespérée. Libéré de sa fonction purement transactionnelle – de cela, le e-commerce s’en charge largement – le magasin reprend ses droits sur nos sens et nos émotions. Un discours un brin décalé, alors que l’éco-anxiété, l’inflation ou le pouvoir d’achat sont des éléments de langage qui nous sont devenus familiers.
La guerre des prix n’aurait-elle pas tout dévasté, dans un élan mortifère de concurrence acharnée, laissant sur le carreau les poids lourds (la récente chute de l’empire Casino) comme les enseignes prometteuses d’une autre époque – les Promod, Camaïeu, Kookaï et autres marques de prêt-à-porter qui n’ont pas survécu à l’après 2000 ? Eh bien, non. Le commerce, avec sa capacité d’éternels renouvellement et de réinvention, nous démontre qu’il n’en est rien. Face à l’adversité, force est de constater que les retailers ne se sont jamais montrés aussi combatifs, agiles, innovants. Fini les points de vente immuables, place à la modularité, la flexibilité et même au commerce hors les murs, à travers des pop-ups inattendus, parfois spectaculaires.
Aller chercher le consommateur là où il se trouve, lui proposer ce qu’il ne connaît pas encore et lui suggérer l’envie de ce qu’il voudra acheter demain : c’est tout l’art déployé par les commerçants les plus audacieux et inspirés. Et dans cette catégorie-là, ne figurent pas seulement les grands noms du luxe (précurseurs en la matière) ou de la high tech mais aussi des marques de niche, des pépites nées sur Internet ou des commerces de proximité, fruits d’initiatives individuelles et malines, répondant à de véritables besoins, pas encore adressés. Car aujourd’hui, pour atteindre sa cible, il faut connaître et reconnaître les grandes aspirations (l’écologie, l’inclusivité, le bien-être) comme les désirs cachés (de la mode chic pour initiés, des services personnalisés, des petites attentions qui font mouche) de chaque individu.
L’intelligence artificielle est un adjuvant majeur de cette personnalisation. Mais une fois l’intérêt suscité, reste le cœur à ravir de consommateurs pas si facilement prêts à devenir des ambassadeurs. Pour cela, il faut encore faire appel à l’imagination, à la créativité et à l’empathie pour concevoir des lieux où l’essentiel n’est plus l’acte d’achat mais celui de recevoir, d’écouter, d’échanger. Développer des espaces mixtes, multifonctionnels, s’adaptant aux changements d’environnement, et de population, à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, repenser un commerce de quartier qui reprendrait son rôle d’acteur politique et de fédérateur de lien social, voire communautaire. C’est un peu tout cela qui fait la recette d’un concept innovant et réussi. Et, heureusement, ils sont encore nombreux à fleurir dans nos villes, réenchantant (un peu) notre quotidien.
Directeur de la publication : Francis Luzin