On s’en pourlèche les babines. Il y a quelques jours, Éric Costa, président de Citynove (la foncière des Galeries Lafayette), affirmait devant une assemblée de professionnels de l’immobilier réunis lors de la conférence annuelle de l’ULI que “ce n’est pas demain la veille que l’on décrochera son téléphone pour réserver une table un samedi soir dans un restaurant de centre commercial”. Et pour cause : si l’offre Food & Beverage (dit F&B) se développe à vitesse grand V dans les centres commerciaux (sa part de marché devrait dépasser les 20 % d’ici 2024), la marge de progression est grande avant que les Français concèdent à délaisser leurs bonnes petites adresses de centre-ville pour leur préférer un grand centre de périphérie.
Mais les temps changent, les mentalités aussi. Et surtout, le commerce physique se réinvente. On le répète souvent, c’est vrai, mais il n’y a qu’à regarder les méga projets qui voient le jour – Cap 3 000 et son toit terrasse panoramique dédié à la restauration, notamment – pour comprendre que les foncières travaillent d’arrache-pied pour transformer l’environnement retail en lieu de vie et de plaisir. La multiplication des activités de loisirs – cinéma, bowling, laser game (etc.) – l’autre levier du retail, témoigne de cette volonté de transformer les centres de shopping en véritable destination.
Y parviendront-ils ?
D’abord, en faisant de la restauration leur cheval de bataille, ils s’appuient sur une valeur sûre et tangible que le e-commerce, en dépit de Deliveroo et autres livreurs à domicile, ne parvient pas à capter : l’expérience sensorielle. S’il est désormais possible de commander une paire de chaussettes ou une robe à paillettes à deux heures du matin sur Internet, la France, malgré la mondialisation, n’a pas vraiment fait évoluer ses horaires de repas. Tout juste les a-t-elle écourtés, ce qui profite… À la grande distribution ! Car si les retails parks captent essentiellement les familles et misent sur l’animation des week-ends, le commerce de proximité – Carrefour, Monoprix, Franprix – investit le segment de la restauration en proposant des services “food” innovants et/ou healthy (on pense au bar à salades des magasins Franprix) aux urbains, quand et où ils en ont besoin, à toute heure de la journée et dans les centres villes.
La GMS, ensuite, n’hésite pas à marcher dans les pas de la restauration classique, à l’image de Carrefour qui vient de lancer son premier restaurant “Bon Appétit !”: 63 mètres carrés répartis en 30 places assises à l’intérieur et 15 en terrasse. Une concurrence frontale pour les restaurateurs de quartier. Toutefois, côté distributeurs, on est unanime : l’estomac des Français est suffisamment large pour accueillir toutes les offres et tous les formats – après tout, le F&B ne serait pas le premier secteur à voir la GMS lui voler des parts de marché. S’ils disent vrai, alors il n’est pas impossible que, demain, nous allions tous déguster des vrais plats cuisinés, sous les lumières argentées d’un supermarché…
Francis Luzin, Directeur de la publication