Alors que l’inflation galopante et la crise des matières premières, conséquence de la guerre en Ukraine, replacent la question du pouvoir d’achat comme premier sujet d’intérêt des Français, les discounters ont devant eux un boulevard pour déployer leurs nouveaux concepts. D’abord boudé par les consommateurs, le hard-discount a acquis ses lettres de noblesse au fil du temps puis, face à la concurrence des distributeurs traditionnels, s’est mis à monter en gamme avec des offres bon marché mais de qualité, flirtant même avec le premium (pain cuit sur place, jus de fruits frais pressés, producteurs locaux, etc.). En troquant les palettes et les cartons contre des rayons clairs et bien agencés, faisant la part belle aux grandes marques, les discounters ont gagné leur place – Lidl et Aldi en tête, avec près de 10 % du marché de la distribution alimentaire selon Kantar Worldpanel – dans le classement des enseignes préférées des Français.
En témoigne, le fulgurant succès de l’enseigne danoise Normal qui, depuis son arrivée en août 2019, a maillé le territoire et compte aujourd’hui 66 magasins, en dépit de deux ans de crise sanitaire. Stratégiquement positionnés dans les centres commerciaux et les endroits où les flux piétons sont denses, ces magasins offrent un nouveau visage du discount avec son offre variée façon drugstore. Même parcours pour Action qui, grâce à un modèle économique au cordeau – une succession d’économies multiples qui, mises bout à bout, lui permettent de proposer le prix le plus juste – détient 658 magasins français dont 94 ont ouvert en 2021, majoritairement en périphérie des villes, dans des emplacements peu prisés – donc moins chers – ou dans des friches commerciales transformées en espaces de vente. Sa particularité : une absence de stock, des livraisons quasi quotidiennes et des équipes achats regroupées au sein des sièges sociaux pour réaliser des économies d’échelle à travers l’Europe.
Si le modèle discount a infusé dans la distribution traditionnelle (présence du vrac, vagues de promotions), il sait aussi se réinventer en permanence et s’adapter aux nouvelles générations en communiquant sur TikTok, Instagram ou Facebook. Exit le marketing et les campagnes publicitaires coûteuses, le bouche-à-oreille est le mantra des nouveaux discounters. L’enseigne suédoise de décoration Hema, avec son univers coloré et son parcours client unique parie sur l’achat plaisir, une notion jusque-là oubliée par le hard-discount. Le shopping “malin” se fait ainsi glamour, fun et branché. Dans un autre registre, les spécialistes de l’alimentaire jouent les codes de la proximité, avec des magasins à taille humaine et des assortiments travaillés : 2 000 références chez Lidl France, où “un produit couvre un besoin”. Parce que, selon ces champions du commerce à petits prix, la MDD continue de présenter le meilleur rapport qualité-prix, le nouveau concept Leader Price, LP, offre un assortiment composé à 99 % de MDD et des prix bas alignés sur les moins chers du marché.
Enfin, les nouveaux rois du discount plaisent par leur faculté à capter les tendances de société : le spécialiste du surgelé breton Ecomiam (63 magasins en France) est devenu numéro 3 du secteur en proposant une gamme étroite de produits non transformés à des prix inférieurs de 20 à 40 % à la concurrence et la transparence comme argument de vente. Ainsi, chaque étiquette présente l’origine précise du produit, le prix d’achat au producteur, la marge de l’enseigne et les taxes de l’État. Un positionnement qui fait écho aux préoccupations des consommateurs citoyens.
Francis Luzin
Directeur de la publication