La fête est finie. Après les années chic et choc, vient la crise et le retour aux réalités. La publicité vit son moment de purge et c’est sans doute tant mieux parce que les consommateurs attendent des marques un discours différent. Les États Généraux de la Communication, lancés en novembre dernier, auront – c’est en tout cas l’objectif visé – la vertu de mettre sur la table tous les sujets épineux qu’a rencontrés le secteur ces dernières années : comment soutenir les marques sans encourager la sur-consommation, construire une communication responsable sans tomber dans le greenwashing, assumer son rôle d’éclaireur sans devenir donneur de leçon, et surtout, être capable de faire le ménage chez soi avant de juger les autres. Une dynamique impulsée par des initiatives spontanées telles que #balancetonagency, dans le sillage de #balancetonporc, qui dénonce les mauvaises pratiques managériales, le sexisme et le harcèlement dans les agences médias.
Pourquoi est-ce si important ? Parce que les marques, dont la publicité se fait le porte-voix, sont aujourd’hui en train d’apprécier, au sens évaluatif du terme, le hiatus entre l’image qu’elles souhaitent véhiculer et la vérité perçue par les consommateurs. On ne reviendra pas ici sur les “bad buzz” d’Internet et les erreurs de communication, ils sont en soi des cas d’écoles pour les étudiants en école de commerce. Mais l’on peut s’interroger sur la stratégie des marques à embrasser, de façon indistincte, un même discours “écologique, environnemental et responsable”, devenu inaudible à force de redites et de systématisation. Alors comment faire la différence ? Provoquer l’étincelle qui va faire se démarquer une entreprise, l’identifier et en faire l’ambassadrice d’une cause ou d’une idée ? Sans doute, comme le font aujourd’hui les acteurs de la publicité dans un salutaire mouvement d’introspection, en reposant les fondamentaux de leur identité, de leur positionnement et de leur engagement. En un mot : leur raison d’être.
“Ceux qui en disent le moins en font souvent le plus”, se plaît à souligner Nicolas Boccaccio, le jeune patron de l’agence Rébellion. Dans un monde hyper connecté où des flots de paroles se déversent en continu sur nos écrans d’ordinateurs, de smartphone et de télévision, pourquoi ne pas revenir à une forme de sobriété – si ce n’est de silence – où le faire l’emporte sur le dire. Nous sommes entrés, grâce ou à cause d’Internet, dans un moment de l’histoire qui n’aura jamais aussi bien porté le nom de “société du spectacle”. Et si, justement, la publicité, au lieu de rajouter de l’artifice sur du superficiel, travaillait, au contraire, à enlever les couches de l’oignon pour ne garder que l’essentiel ? En 2020, marques et distributeurs ont commencé à se plier à l’exercice de la brièveté en adoptant, sur le réseau social TikTok, des formats ultra-courts (de 35 à 60 secondes maximum). Être percutant, aller droit au but, et surtout, être original : voici les 3 règles de l’exercice. Cela paie, les jeunes en raffolent. Carrefour, Intermarché, Leclerc et Système U y ont trouvé un nouveau terrain d’expression et le moyen de toucher une cible de consommateurs qui ne fréquentent pas leurs magasins et ne détiennent pas de carte de fidélité.
Les réseaux sociaux et leur intransigeante condition de transparence ont apporté un nouveau souffle à la communication. D’institutionnelle et glacée, elle est devenue interactive, spontanée, directe. Elle joue la proximité, la connivence et s’intéresse, enfin, au consommateur. Il ne s’agit pas de parer ces nouveaux médias de toutes les qualités – loin s’en faut! – mais ils ont techniquement permis aux marques de changer de ton et de mode relationnel. Ils ont apporté le déclic qui a sorti les adeptes du classicisme (spot TV, catalogue magasin, prospectus…) de leur zone de confort. Pour le bien de la créativité, de l’émotion et de la vérité. Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que la publicité parvienne à nous convaincre qu’elle n’est pas que vaine et qu’elle a un vrai rôle à jouer dans la société. Mais ces premiers pas, vers plus de sincérité, sont encourageants et mérite d’être salués.
Francis Luzin, Directeur de la publication