Nous y étions habitués, mais il va falloir s’en détacher. L’architecture traditionnelle des marchés de grande consommation est chahutée, entraînant dans son sillage un bouleversement de la chaîne de valeur. C’est, en tout cas, l’alerte lancée par Philippe Moati, cofondateur de l’ObSoCo, lors de la Journée Partage & Prospective organisée par l’Institut du Commerce.
Ainsi, le classique modèle descendant, du producteur au consommateur, en passant par un intermédiaire distributeur, est historiquement daté. Après avoir fait le succès des 30 Glorieuses, il est désormais profondément remis en cause. Mutations du capitalisme, transformations sociétales, urgence climatique, avènement des technologies numériques… Autant d’éléments qui bousculent les certitudes d’hier et font émerger de nouveaux modèles, de nouvelles formes de commerce, où le consommateur est roi. Avec, à la clé, un retournement total du modèle fordien vers une architecture ascendante, où le client dicte ses attentes au marché, et non l’inverse. À tel point que les frontières entre producteurs et distributeurs s’estompent. Les fonctions s’entremêlent. Le partage des valeurs s’effectue différemment. Et commence à poindre une nouvelle architecture, dite servicielle, qui pourrait être une clé prometteuse et compatible avec les enjeux environnementaux. Autant de défis majeurs que marques et enseignes devront relever dans un contexte encore plus ardu, avec le retour de l’inflation structurelle.
Dans cette nouvelle répartition de la chaîne de valeur, apparaît un acteur souvent oublié, aux côtés de l’industriel, du distributeur et du consommateur : c’est la planète, dont on extrait de la valeur sans jamais lui en rendre. Les nouveaux modèles devront nécessairement être durables, voire régénérateurs, pour s’inscrire dans la durée. Ils devront, sans doute, embarquer avec eux une répartition d’une partie des marges de chacun des acteurs, en faveur de la planète. Chacun devra, aussi, partager de la data afin de relever les défis de ce commerce de précision. Et, très clairement, les acteurs devront passer d’un modèle classique à un modèle serviciel afin de soutenir l’ensemble de la démarche. Vers une architecture qui, en sortant de la structure traditionnelle, très verticale, cherche avant tout à apporter des solutions à l’ensemble des problèmes ciblés (attente des consommateurs, urgence climatique…), plutôt qu’à vendre des produits. Avec, à la clé, une façon de créer de la valeur qui se détache des volumes et redéfinit, en profondeur, les business models.
Pas simple de relever ces défis. D’autant que le retour de l’inflation structurelle complexifie encore la tâche. Elle est de 4,8 % en glissement en avril, tirée en grande partie par les prix de l’énergie, et se situe autour de 3 % pour les PGC. Une telle inflation n’a pas été enregistrée depuis 2009, même si cette moyenne recouvre de fortes disparités. Selon IRI, elle devrait se faire sentir au moins jusqu’au début de l’année prochaine et probablement engendrer des ajustements de comportement de la part des consommateurs avec, notamment, des arbitrages sur l’alimentaire. De son côté,
Jean- Marc Daniel, professeur émérite à l’ESCP Business School, estime qu’il est encore trop tôt pour dire si cette inflation va véritablement s’inscrire dans la durée. Mais, surtout, il prédit que le véritable problème de l’inflation ne se résumera pas à la hausse des prix, mais à la hausse des taux d’intérêt.
Directeur de la publication : Francis Luzin