Octobre. Passage à l’heure d’hiver. C’est aussi le temps des négociations commerciales qui viennent de commencer et s’achèveront le 1er mars 2020, juste avant le retour de la lumière et de l’heure d’été. En attendant, les acteurs de la distribution règlent leurs comptes sous le signe de la loi Égalité alimentaire (Egalim), adoptée fin 2018, censée enrayer la déflation et la surenchère promotionnelle et mieux rémunérer les producteurs des filières agricoles. Quelle heure est-il pour ces entreprises qui entament leur deuxième round de négociations sous l’arbitrage de ce texte issu des États généraux de l’alimentation signé par tous les distributeurs ? Un texte qui, globalement, consacre le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) de 10 %, limite les avantages promotionnels sur les produits alimentaires à 34 % de la valeur et encadre les promotions à hauteur de 25 % maximum du volume annuel écoulé par l’enseigne.
L’an dernier, selon la DGCCRF, les négociations commerciales ont été plus apaisées et les produits à marque PME, comme les produits frais, ont bénéficié de hausses de leur prix d’achat. Évidemment, ce constat n’est pas partagé par tous. Le jeu étant de voir midi à sa porte. Déjà en mars dernier, L’Ania constatait que, malgré “des efforts des enseignes d’un point de vue comportemental, les relations restent extrêmement déséquilibrées (…) Les entreprises françaises sont, cette année encore, confrontées à une destruction massive de la valeur de leurs produits”. L’Ania assure que plus des trois-quarts des entreprises alimentaires se sont vu demander de fortes baisses de tarif “et que sous la pression, la moitié des industriels ont dû accepter des baisses”. Une commission d’enquête parlementaire relative aux pratiques de la grande distribution dans leurs relations commerciales est alors créée. Des audits de l’ensemble des acteurs se sont tenus depuis le mois d’avril. Et, en septembre dernier, la commission d’enquête a remis 41 propositions qui ont largement agacé les enseignes. “C’est un rapport excessivement à charge, qui oublie les vrais sujets, signifie la FCD, et passe malheureusement sous silence toutes les évolutions positives à l’initiative de la grande distribution”, comme les contrats tripartites avec les agriculteurs et les industriels ou la part croissante des PME. Selon Nielsen, la loi Egalim aurait permis de mettre fin à la déflation et de limiter les promotions. La FCD note, de son côté, que cette réduction des promotions est, toutefois, responsable de la moitié de la baisse des achats en volume avec un impact négatif pour les PME commercialisant des produits festifs comme le foie gras ou le champagne.
Nul doute que les négociations commerciales qui s’ouvrent seront scrutées à la loupe après 7 années de baisse de tarifs chez l’immense majorité des industriels. Reste que face aux nouvelles exigences d’Egalim, le jeu classique est de contourner la loi et ses amendements, tout en restant dans la légalité. Ainsi, lorsque la loi signe la fin de l’offre “deux produits pour le prix d’un”, l’on voit arriver dans les rayons des promotions de type “un produit acheté, un offert”, les deux produits étant différents. Avec, au final, une réduction au-delà des 34 % réglementaires. De la même façon, de nombreux distributeurs ont délaissé les outils promotionnels les plus faibles en s’alignant sur ce maximum de 34 %, un niveau de promotion extrêmement élevé et difficilement accessible aux PME. Un premier bilan pourra être dressé rapidement. Mais il faudra attendre la fin de l’année 2020 pour que le législateur analyse les effets de la loi dont les mesures ont été fixées pour deux ans. Et voir si l’égalité recherchée est au rendez-vous.
Francis Luzin, Directeur de la publication