Il restera une image, celle des larmes du président de la COP26, à l’heure de la fermeture du congrès mondial pour l’environnement qui s’est tenu à Glasgow. Alok Sharma s’est dit profondément désolé lorsque l’Inde a réussi à avoir gain de cause, en dernière minute, sur le charbon et les pertes et dommages devant servir à financer les dégâts déjà causés par les impacts du changement climatique. Pourtant, la COP26 était un point d’étape important dans le calendrier de l’accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21. Tous les pays participant à l’accord devaient actualiser leurs contributions nationales, c’est-à-dire leurs objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES), à l’horizon 2030. Or, si toutes les contributions étaient réalisées, les émissions mondiales dépasseraient, en 2030, d’un peu plus de 10 % leur niveau de 2010, alors qu’il faudrait les réduire de 45 % pour se situer sur une trajectoire limitant le réchauffement global à 1,5 °C.
Dans ce contexte, l’océan, premier puits de carbone de la planète, fait figure de grand oublié. Il n’était pas au programme des COP avant celle de Paris, et reste un sujet négligé par les responsables politiques. Il est pourtant affecté par le réchauffement climatique avec l’augmentation de l’effet de serre, des émissions de CO2 (hors effet de serre) et des pollutions, comme les plastiques. Si la production de plastique devait rester la même, elle générerait 53,5 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2050, soit près de 10 % des émissions totales. Selon la Fondation Ellen MacArthur, chaque année, au moins 8 millions de tonnes de plastique se frayent un chemin jusqu’aux écosystèmes marins, ce qui équivaut à décharger, chaque minute, un camion poubelle en mer. Si rien n’est mis en œuvre, ce nombre passera à 2 par minute, d’ici à 2030, et à 4 par minute, d’ici à 2050. Les océans contiendraient déjà plus de 150 millions de tonnes de plastique. Et la pollution non seulement a été minimisée mais s’accentue. Selon une étude publiée début septembre dans la revue Microplastics and Nanoplastics, du groupe Nature, il flotterait dans l’océan, au niveau mondial, 5 fois plus de particules de microplastiques – baptisées larmes de sirène – que ce qu’estimait la communauté scientifique en 2015. Il y aurait, ainsi, 24,4 trillions de particules en suspension dans les océans, soit entre 82 000 et 578 000 tonnes. Et d’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), d’ici à 2040, les volumes de pollution plastique qui se déversent dans les océans devraient être multipliés par trois, ajoutant 23 à 37 millions de tonnes métriques de déchets plastiques dans les zones marines par an. Soit environ 50 kg de plastique par mètre de côte dans le monde.
Face à ce constat désastreux, les lignes semblent toutefois bouger. Les entreprises s’engagent sous la pression conjuguée des exigences des consommateurs, mais surtout des dispositifs législatifs. Un décret baptisé 3R (pour réduction, réemploi et recyclage), rattaché à la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), a été publié le 30 avril dernier. Il définit des objectifs pour la période 2021-2025 pour tendre vers la fin de la mise sur le marché d’emballages plastiques à usage unique d’ici à 2040. Un autre décret interdit, lui, la vente de fruits et légumes frais non transformés emballés dans du plastique à partir du 1er janvier 2022, certes avec des multiples exceptions.
Et en matière de recyclage, une innovation très prometteuse pourrait bien changer la donne. Après 10 ans de R&D, l’entreprise auvergnate Carbios a mis au point un procédé permettant de recycler à l’infini, rapidement, et sans perte de qualité, les bouteilles en PET en optimisant une enzyme. L’Oréal, Nestlé Waters, Pepsico et Suntory Beverage & Food Europe ont déjà testé ce procédé de recyclage enzymatique pour leurs produits phares. De leur côté, les entreprises travaillent à la réduction de leurs emballages plastiques vierges comme biosourcés via l’éco-conception. Enfin, les sujets du vrac et des emballages réemployables gagnent du terrain. De quoi redonner espoir et sécher les larmes de sirène.
Francis Luzin
Directeur de la publication