Le constat est clair : ça va secouer très fort. Avec la crise énergétique qui vient porter un coup supplémentaire à un secteur déjà fragilisé par des crises à répétition depuis 4 ans, le retail va mal et cherche des solutions. Pour réduire la facture d’énergie, bien sûr, mais aussi pour pérenniser les réseaux sur fond d’inflation et d’une demande de plus en plus morose.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec la flambée des prix de l’énergie, les factures d’électricité et de gaz vont être multipliées par 3 dès 2023 par rapport à 2002, et par 5 par rapport à 2021, voire plus. Les prix étant en général, négociés pour 3 ans pour les professionnels, la filière alimentaire et de produits de grande consommation estime que les hausses de contrat, en fonction des dates de négociations, s’étaleront entre + 50 % et + 800 % ! Même constat du côté du CdCF qui tire la sonnette d’alarme sur les augmentations intervenues dans les récents contrats de fournitures d’énergie où l’on assiste à une multiplication allant jusqu’à 4 fois des factures. Et les prévisions à venir sur les prix sont très alarmistes puisque des coefficients fois 5, voire fois 15, sont déjà proposés par les fournisseurs d’énergie. D’ailleurs, certains acteurs ne se voient même plus proposer de contrat… Même le gouvernement a prévenu : “Les prix sur les marchés du gaz et de l’électricité pour des livraisons en 2023 sont toujours à des prix près de 10 fois supérieurs à ceux de 2020”.
Bien sûr, des aides de l’État ont été mises en place, mais le mécanisme d’amortissement des coûts de l’électricité ne suffit pas et ne couvre que 10 % à 20 % de la hausse des factures, mettant les entreprises en grand danger. Les coûts d’exploitation augmentent. Les inquiétudes sur l’évolution de la demande sont multiples. Et très peu d’enseignes sont en mesure de transférer dans le prix de vente consommateur, la totalité des augmentations de leurs coûts. De ce fait, l’écrasement des marges et des résultats est inéluctable. Si, globalement, un distributeur réalise deux ou trois points de résultat, quand le prix de l’énergie double ou triple, cela mange entre un tiers et la moitié de ce résultat. Le tout dans un contexte où beaucoup d’entreprises étaient déjà sous tension avant même d’aborder ce dernier trimestre où elles jouent leur résultat annuel.
De fait, les mises en recouvrement s’accélèrent, par les foncières et, depuis la fin de l’été, via l’Urssaf. La franchise devrait être impactée à courte échéance. Certaines enseignes estiment qu’un quart de leurs franchisés risquent de ne pas passer l’année 2023. Globalement, les importants besoins de restructuration dans certains secteurs offriront des opportunités d’alliances et de rachats pour ceux qui sont en meilleure santé. Les phénomènes de consolidation vont donc probablement s’intensifier.
Évidemment, beaucoup d’entreprises n’ont pas attendu la crise pour mettre en place des solutions d’efficacité énergétique. Mais si le contexte réglementaire avait déjà poussé les acteurs dans une dynamique d’efficacité énergétique sur le long terme (-40 % en 2030 vs une année de référence à définir), c’est bien le contexte de crise actuel qui a changé la donne. Le gouvernement a appelé à réduire de 10 % la consommation d’énergie dans un délai beaucoup plus court, 2 ans maximum. Ainsi, depuis cet été, sous l’impulsion de Perifem, les distributeurs ont commencé à mettre en place une série de mesures de sobriété énergétique jusque-là inédites. La démarche inscrite dans le long terme a donc rencontré une crispation soudaine où il faut, déjà, réduire drastiquement sa consommation. On ne parle plus d’efficacité énergétique mais de sobriété avec, à la clé, de nouveaux business models à inventer susceptibles de fonctionner avec un coût de l’énergie durablement plus élevé. Mais ce que demande, surtout, la sobriété énergétique, c’est de changer de comportement, de changer la façon d’utiliser de l’énergie, pour en utiliser structurellement moins. L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas.
Directeur de la publication : Francis Luzin