Le 27 mars 1969 naissait, dans la périphérie ouest de Lille, à Englos, le premier centre commercial français : en fait, une galerie marchande attenante à un hypermarché
Auchan. 50 ans plus tard, le modèle accuse les effets du temps, l’évolution des modes de consommation et un certain retour au commerce de proximité, notamment porté par une politique d’urbanisme public en faveur de la revitalisation des cœurs de ville. Si la 15e édition du Siec (Salon du retail et de l’équipement commercial) qui se déroulera les 5 et 6 juin prochains à
Paris, s’est choisi, pour thème principal, la (ré)volution du centre commercial, on pourrait plutôt parler de crise de la cinquantaine. En proie aux doutes face à un avenir du commerce teinté de digital et d’une tendance faible – mais pas nulle – à la dé-consommation, le modèle vit sa première grande remise en question.
D’abord, comme tous les quinquagénaires, il a fait montre d’une certaine résilience, fort de son histoire, de son passé à la fois glorieux (l’âge d’or des 80’s) et marqué par les phases de turbulences (crise de la consommation, choc pétrolier, crise immobilière et financière, scandales sanitaires, etc.) qu’il a dû traverser. Selon la dernière étude publiée par Cushman & Wakefield, au premier trimestre 2019, croissance économique et chiffres d’affaires affichent des signes de résistance face aux remous suscités par le conflit des Gilets Jaunes. La baisse de la fréquentation des centres commerciaux, particulièrement enregistrée les samedis, a été contrebalancée, en partie, par une hausse du pouvoir d’achat. Au premier trimestre, la fréquentation des centres commerciaux s’établit à -1,5 % (contre -1,7 % en 2018) et à +3 % en avril dernier.
Rester jeune est la priorité absolue des centres commerciaux. Cette année, le renouvellement du parc devrait être alimenté majoritairement par les retail parks et parcs d’activité périphériques (57 %) dont la surface moyenne a tendance à diminuer puisqu’il s’agit en majorité d’offres complémentaires à des centres commerciaux existants. D’une façon générale, 70 % des projets de centres commerciaux portent sur des travaux d’extension et de restructuration de sites existants. Plutôt que de créer des m2 supplémentaires dans des villes déjà frappées par l’étalement urbain, les opérateurs préfèrent se réinventer. Même les centres commerciaux régionaux historiques ont cédé à cette vague de rajeunissement : Vélizy 2, Cap 3000, Italie 2 et Parly 2 consolident leur offre en laissant plus de place aux boutiques, aux loisirs et à la restauration.
Car c’est LA tendance qui se dessine sur le marché. Le food & beverage constitue un socle incontournable de l’offre et des centres commerciaux, jusqu’à devenir une destination à part entière comme à la Gare du Sud à Nice, réhabilitée en lieu de vie de 3 000 m², incluant une halle gourmande et des activités complémentaires. Tout comme les loisirs, ces nouvelles activités donnent un nouveau souffle aux centres commerciaux. Susciter le désir chez les jeunes générations de consommateurs n’est pas une mince affaire dans un monde où l’on a tellement tout que l’on n’a plus besoin de rien. La survie des centres commerciaux repose sur leur capacité à proposer de nouvelles offres et à faire rêver. Qu’ils continuent à insuffler l’âme du commerce tout en restant ouverts aux mutations de la société : tel est le défi qui attend les retailers après 50 ans.
Francis Luzin