La crise sanitaire n’a pas ébranlé les convictions des Français. Bien au contraire. Les enjeux environnementaux restent extrêmement élevés dans la hiérarchie de leurs préoccupations, même si la santé et le bien-être connaissent des évolutions sans précédent. Tels sont les résultats du dernier Baromètre 2021 GreenFlex – Ademe de la consommation responsable où l’on apprend que 93 % des Français ont développé une aspiration profonde à changer de modèle économique, de consommation et de société. Ils sont 83 % à souhaiter vivre dans un monde où la consommation prend moins de place. Ils veulent à la fois consommer moins et mieux avec des choix de plus en plus affûtés en regard des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. Ils déclarent être conscients de devoir faire évoluer leur mode de vie de façon significative, à condition qu’il y ait une juste répartition des efforts. Ce qui suppose que l’ensemble des acteurs se positionne sous l’angle de la responsabilité individuelle et collective.
Un enjeu de taille de refondation d’un modèle qui a fait ses preuves et où le niveau de consommation a traditionnellement été le marqueur de la santé économique des organisations. Comment aligner, aujourd’hui, cet intérêt économique avec les intérêts environnementaux, sociaux et sociétaux, ceux des générations futures ? Comment sortir d’un modèle linéaire qui s’avère obsolète avec la finitude des ressources ? Comment réinventer un modèle qui permette de concilier l’intérêt général et les contraintes de l’économie et de l’entreprise, sans opposer économie et santé, bien-être social et bien-être environnemental ?
Face à cette exigence des Français de consommer moins et mieux, les réflexions autour des notions de sobriété ou de questionnements sur l’utilité, l’usage et la nécessité font partie des pistes. Autrement dit, il faut trouver un modèle où le mieux et le moins deviennent rentables tout en restant accessibles. L’un des premiers curseurs pour les entreprises serait de privilégier le long terme plutôt que la rentabilité immédiate. Ainsi, tout ce qui n’est pas absolument indispensable dans le court terme serait réinvesti dans l’indispensable, dans le long terme. Avec, à la clé, des ambitions extra-économiques de maîtrise de ses impacts et une certaine frugalité érigée en principe entre ce qui est indispensable et superflu, qu’il s’agisse d’innovations ou de stratégies RSE. Parallèlement, pour faire progresser les comportements, il faudrait aller au-delà de l’indicateur lié à la croissance en créant un outil de mesure du mieux, certifié et vérifiable. Un indicateur forcément complexe puisque multifactoriel, qui permettrait de ne plus opposer le bio, le local, l’éthique, la santé, l’énergie durable… Et aiderait, in fine, le consommateur à se repérer dans la jungle des informations (labels, certifications, marketing, publicité…) fournies par les entreprises. Enfin, la consommation restant un marqueur social fort, il faudra se pencher sur les injonctions contradictoires. Autrement dit, changer les représentations, le récit, notamment en publicité et en marketing, pour que le mieux devienne valorisant.
Francis Luzin
Directeur de la publication