Fin de l’abondance, fin de l’insouciance… Le ton de cette rentrée est donné et il sonne comme un rappel à l’ordre après des années de consommation exubérante. L’hiver sera rude, marqué par une perspective de récession et quelques degrés en moins sur nos thermomètres, tandis que l’inflation, elle, devrait continuer de progresser. Dans ce contexte, le mot économie s’impose. La sobriété est le nouveau mantra des entreprises et bientôt, des consommateurs, contraints à une frugalité longtemps boudée, réservée aux activistes écologistes, mais aujourd’hui perçue comme l’unique porte de sortie d’une crise qui dépasse les intérêts nationaux. Dans le commerce comme ailleurs, l’enjeu est crucial.
Le choc énergétique attendu et la prise de conscience collective des effets du réchauffement climatique ont conduit les enseignes à intensifier leurs efforts pour réduire leurs consommations énergétiques. Engagement sur leur bilan carbone, suppression des prospectus, réduction des emballages et des plastiques : les nombreux chantiers d’une distribution durable, lancés depuis une quinzaine d’années, connaissent une forte accélération, notamment impulsée par le décret tertiaire qui oblige à une diminution de 40 % de la consommation énergétique des bâtiments en 2030. Monoprix a, dans ce sens, investi un million d’euros par magasin pour suivre la trajectoire CO2 que le groupe a tracé. Dans le cadre de son programme Act for Food, Carrefour s’est, de son côté, engagé à supprimer le plastique des emballages de ses produits à marque propre, et à créer des emballages plus vertueux pour les fruits et légumes. En outre, le groupe vise à atteindre le “zéro gaspi” et le “zéro déchet”. Ces initiatives font boule de neige et l’ensemble des enseignes se mettent au diapason vert.
Autre sujet non moins essentiel, les ressources alimentaires. Les pénuries de certains produits en rayon depuis mars dernier ont révélé la fragilité d’une chaîne agro-alimentaire impactée par le déséquilibre des échanges commerciaux mondiaux induit, conséquence du conflit russo-ukrainien et d’autres facteurs exogènes (sécheresse en Europe et au Canada, mauvaises récoltes, etc.). Le Plan de sobriété énergétique présenté par le gouvernement ne fait qu’accroître la pression sur des entreprises alimentaires déjà sous tension. Au point que l’Ania tire la sonnette d’alarme et exprime ses craintes de ne pouvoir maintenir, à terme, la production des entreprises si celles-ci devaient être confrontées à des rationnements d’énergie, des coupures de courant et à l’explosion des prix. Le risque ? Rien de moins que la mise en péril de la souveraineté alimentaire du pays et des quelque 15 500 entreprises qui nourrissent les consommateurs.
Autant de dossiers de rentrée brûlants qui s’empilent sur le bureau des ministères de l’économie, de l’écologie, du commerce et de l’agriculture. Mais aussi autant d’actions concrètes à mener, en urgence, pour préserver un équilibre entre l’offre et la demande et maintenir à flot une économie nationale déjà ébranlée par deux années de crise sanitaire. L’ère du moins qui s’ouvre sur des bouleversements d’une ampleur inédite confirme la nécessité d’embarquer toutes les parties prenantes – politiques, entreprises, consommateurs et investisseurs – dans le même bateau.
Directeur de la publication : Francis Luzin