… mais jusqu’où? Le marketing n’a pas fini de nous surprendre. Au début du mois, Rue du Commerce crée le buzz avec une campagne commerciale uniquement dédiée aux hommes. Ou presque. Une fenêtre indiquait à l’internaute de cliquer sur “je suis un homme” ou “je suis une femme, je continue (même pas peur)”. Pour accéder au site, il fallait entrer le mot de passe “chaleur” accessible depuis le compte Twitter du e-commerçant. Une fois sur la page d’accueil, une femme, à l’attitude lascive, tutoie l’internaute et lui souhaite la bienvenue. Machiste? Sexiste? Le site se défend en pointant la carte de l’humour. Provocant? Sans aucun doute. L’essentiel, c’est que les ventes soient au rendez-vous. Même si la manière est segmentante.
Comme l’affirme un des intervenants de notre enquête: le succès des enseignes s’appuie sur leur faculté à “considérer le consommateur comme une personne qui sent et qui ressent”. Une fois que les rois du marketing ont saisi ce rapport au sensible, ils s’en donnent à cœur joie pour jouer avec les émotions. Avec plusieurs cordes à leur arc, comme la couleur, par exemple. Le bleu s’adresse aux hommes. Le violet parle aux femmes. Le rouge est signe de jeunesse. Le noir, connoté haut de gamme. Les odeurs aussi participent au conditionnement inconscient du client. Certaines fragrances dupent la perception du temps en magasin pour que le client y flâne plus longtemps. Ce qui augmente, de fait, la probabilité d’achat. L’exemple d’une librairie belge qui, en diffusant une odeur de chocolat, a enregistré +40% de ventes sur ses livres de cuisine fait foi.
Ces résultats ne prouvent pas pour autant que le consommateur soit manipulé. Sinon ce serait trop simple: quand on sait que 76% des lancements de nouveaux produits échouent lors de leur première année (Nielsen), faire appel aux émotions des consommateurs ne semblent pas suffire. Le ressenti ne fait pas tout: un produit peut être vendeur par son emballage, mais s’il ne s’avère ni bon, ni efficace, il n’y aura pas de réachat. L’effet “one shot” n’est plus recherché. Chaque enseigne cherche à établir une relation sur le long terme avec son client en lui proposant le bon produit, au bon moment, au bon endroit avec une offre promotionnelle personnalisée et, si possible, directement sur son smartphone. Histoire de lui donner envie de venir jusque dans la boutique. Et c’est là que le marketing sensoriel du point de vente entre en scène et devient efficace pour proposer de nouvelles expériences. Bientôt, ce sera même le rôle des robots-mannequins, dotés d’un moteur émotionnel, qui seront capables de capter le regard des passants en vitrine.
Révolutionnaire? La technologie sûrement. Pour le comportement du consommateur, rien n’est sûr. Les Français plébiscitent le retour au commerce de proximité et à la simplicité. Associer le marketing au genre, aux sens et aux neurosciences est souvent mal perçu. Presque dérangeant. Mais en quoi est-ce impertinent de vouloir créer des conditions favorables à l’acte d’achat? Tout semble être dans la manière. Ne pas surenchérir sur les sens. Ne pas harceler sensitivement le client. Un juste milieu, en somme, toujours difficile à appliquer. Mais bien la clé pour qu’il se laisse tenter.