Choisir, c’est renoncer. Sauf qu’en l’état, le renoncement, du côté du gouvernement, semble être une marque de fabrique. Un made in France qui n’ose pas vraiment annoncer la couleur. Qui préfère se cacher derrière les hauts cris du Medef, histoire de ne pas trop dévoiler son jeu. Et qui lâche du lest dès qu’il aperçoit un pigeon ou des bonnets rouges. Cacophonie. Usine à gaz fiscalo-administrative. Écrans de fumée pour cacher l’essentiel. Il faut être clair: l’action gouvernementale s’engage progressivement dans une politique de l’offre, certes homéopathique. Mais chut, il ne faudrait pas trop que ça se sache. Les élections sont plus proches que jamais.
Une politique de l’offre “à petits pas”, comme le décrit Olivier Plasset chez Xerfi. À coup d’hésitations et de ballons d’essai. Quand le malade va au plus mal, quand les entreprises sont à bout de souffle, quand l’investissement est réduit à néant depuis 5 ans, on aurait sans doute préféré un remède de cheval court et efficace plutôt qu’une valse hésitation de mini-doses dont on se demande quand l’effet bio-accumulable portera ses fruits.
Pour le coup, sur l’écotaxe, on se demande bien pourquoi l’exécutif n’a pas revu sa copie avant. On se demande aussi pourquoi les écologistes, qui poussent des cris d’orfraie aujourd’hui parce que l’on suspend l’application de cette taxe poids lourds, n’ont pas réagi plus tôt. Qu’ont-ils à défendre? Un texte vidé de tous ses objectifs environnementaux? On voulait favoriser le report modal et taxer les poids lourds traversant la France. Voilà la réalité écologique:
• Pas d’incitation au choix d’un transporteur vertueux puisque l’industriel sera taxé de la même façon qu’il choisisse un prestataire utilisant des camions non polluants ou des poubelles;
• Pas de comportements vertueux récompensés puisque l’industriel ayant investi dans une logistique favorisant le transport multimodal se verra taxé sur ses pré et post acheminements de la même façon que celui qui préfère rejoindre l’autoroute;
• Pas de justice écologique puisque les files de camions traversant la France du Nord au Sud par l’autoroute ne paieront pas un centime d’écotaxe.
Que reste-t-il du projet pondu par l’ancien gouvernement et issu du Grenelle I de l’Environnement? Une usine à gaz. Une pompe à finances. Un texte mal ficelé dangereux pour l’économie. Suicidaire. Aux effets pervers.
Pour répercuter la taxe sur le client final, le législateur a inventé un système totalement déconnecté de la réalité du terrain. Un système monté de toutes pièces de peur que les routiers ne bloquent les routes. Du coup, les transporteurs se voient accorder l’obligation d’appliquer une majoration forfaitaire aux industriels en bas de facture, qu’ils aient emprunté le réseau écotaxé ou non. Autrement dit, que le routier paie ou non l’écotaxe, ce qui est sûr c’est que son client, lui, la paiera. Enrichissement sans cause? Pris en étau, les industriels s’organisent et renégocient les prix de transport. Au final, on renvoie dos à dos des entreprises meurtries aux marges déjà faibles. Une casse organisée de PME. L’écotaxe fera gonfler de 4 à 6% le budget transport des entreprises. Quant aux grossistes-distributeurs, agissant en transport pour compte propre sans pour autant pouvoir, eux, répercuter de droit la taxe sur leurs clients, ils pourraient y laisser jusqu’à 20% de leur résultat net?!
Pas mal, non, quand on sait que cet impôt coûte une fortune à mettre en œuvre. Sur le 1,2 Md€ annuel de recettes prévu, 20 à 30% serviront à financer les moyens pour collecter la taxe. Et la facture pourrait s’alourdir. Ecomouv’, le consortium choisi pour 13 ans pour faire fonctionner le dispositif, a déjà investi 800 M?€ à 1 Md?€. Le contrat ne prévoit pas de pénalités en cas de suspension. Mais l’État devra couvrir les coûts fixes d’Ecomouv’: environ 50 M?€ par trimestre.
Vous reprendrez bien une petite taxe pour la route?