Alors que le spectre de la déflation guette depuis plusieurs mois, l’expression fait, désormais, partie des éléments de langage politique. Sommes-nous en déflation?Olivier Passet: Pour l’instant, nous sommes plutôt dans un monde d’inflation 0. Nous ne sommes pas encore entrés dans une grande déflation historique où l’ensemble des prix glisse vers le bas. D’ailleurs, c’est la plus grande catastrophe économique qui pourrait arriver. Lorsqu’une économie est aspirée dans ce genre de mécanisme, c’est un cercle vicieux, a priori sans limites, qui se met en place, puisqu’en estimant que les produits seront moins chers demain, et donc en reportant les achats, non seulement on pénalise la demande, mais on nourrit le mouvement de déflation. On doit donc faire face à beaucoup de mécanismes pervers, d’empilement de la dette, d’effets boule de neige. Tout cela détruit à la fois l’économie réelle et l’économie financière parce que cela génère de l’insolvabilité très rapidement. Pour l’heure, la France fait face à des tendances déflationnistes. C’est un climat général européen. Et, à mes yeux, un syndrome quasi mondial qui s’est installé insidieusement depuis le milieu des années 2000.
Quels sont les mécanismes qui ont provoqué ces tendances déflationnistes?Les très faibles niveaux d’inflation ont vu le jour au Japon, à la fin des années 90. Le phénomène s’est ensuite diffusé doucement. Dès 2005, le président de la Fed, Ben Bernanke, a tenté d’expliquer pourquoi les taux d’intérêt restent très faibles et les prix attirés vers le bas, quel que soit l’état de l’économie, quelle que soit la phase du cycle. Dans sa déclaration “Global saving glut”, il évoquait 3 grandes causes qui sont toujours d’actualité. La première cause fondamentale, c’est l’excès d’épargne. En termes économiques, cet excès signifie que la demande est altérée, la consommation en baisse avec, à la clé, un régime de surproduction permanente. Il y voit, comme racine principale, le rallongement de l’espérance de vie et l’appétence pour l’épargne d’une population vieillissante. Et il cite deux des plus grands créanciers: le Japon et l’Allemagne. La deuxième cause concerne les pays asiatiques, Chine en tête, qui ont préféré constituer des réserves de change plutôt que de recycler leurs excédents commerciaux: une sorte de méga assurance contre les risques d’instabilité financière. Enfin, il voyait une source forte de déséquilibre dans les excédents énergétiques pétroliers de certains pays, relativement mal recyclés. J’ajouterai un quatrième élément: l’ouverture de l’OMC à la Chine en 2001 – et à d’autres pays émergents – qui a favorisé la déferlante de produits low cost sur les marchés. Cet afflux de produits a contribué à l’excédent de production mondial.
Et aujourd’hui?Les choses n’ont pas beaucoup